Le Cas’Nard

Journal de Bernard Martial

© Bernard MARTIAL – août 2014


Enigmes du moi

jeudi 19 mars 2009, par Bernard MARTIAL

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RECUEIL DE CITATIONS

ENIGMES DU MOI

1. ALLEN Woody : « Qui à ma place, supporterait d’être moi ? »

2. ANACHARSIS : « Chacun est l’ennemi de soi-même ».

3. BARTHES Roland, Le bruissement de la langue : « Le journal est |[…] inauthentique. Je ne veux pas dire par là que celui qui s’y exprime n’est pas sincère. Je veux dire que sa forme même ne peut être empruntée qu’à une Forme antécédente et immobile (celle précisément du journal intime), qu’on ne peut subvertir. Ecrivant mon journal, je suis par statut, condamné à la simulation ».

4. BECKETT Samuel, L’innommable : « Je dis « je » en sachant que ce n’est pas moi ».

5. BOBIN Christian, L’éloignement du monde : « Ce que nous appelons « moi » et à quoi nous tenons tant est de même nature qu’un flocon de neige se heurtant à des milliers d’autres flocons semblables dans une lutte hasardeuse et terriblement brève ».

6. BOSQUET Alain, La fable et le fouet : « Je n’ai jamais réussi à être la somme de mes moi : j’en égare un ou deux, par négligence ou par ennui ».

7. BOSQUET Alain, Je ne suis pas un poète d’eau douce : « Dieu est l’obstacle que j’érige entre moi-même et moi pour n’avoir pas à me comprendre ».

8. BOSWELL James, Lettre à Temple, 1763 : « Mon sujet favori, moi-même ».

9. BOURGET Paul : « Le moi se pose en s’opposant ».

10. CALVINO Italo, De l’opaque : « Mon moi est ce dont le monde a besoin pour recevoir continûment des nouvelles de l’existence du monde ».

11. CAMUS Albert, L’envers et l’endroit : « Moi-même, c’est-à-dire cette extrême émotion qui me délivre du décor. »

12. CESBRON Gilbert, Tant qu’il fait jour à Paris : « Je suis moi » est une affirmation essentielle à la vie, et dont l’absence ou l’abandon conduit au suicide, et l’abus au meurtre. »

13. CHATEAUBRIAND François-René, Génie du Christianisme II1 : « Nous sommes persuadés que les grands écrivains ont mis leur histoire dans leurs ouvrages. On ne peint bien que son propre cœur, en l’attribuant à un autre ; et la meilleure partie du génie se compose de souvenirs ».

14. CHATEAUBRIAND François-René, Préface des Mémoires de ma vie : » Je me suis souvent dit : « Je n’écrirai point les mémoires de ma vie ; je ne veux point imiter ces hommes qui, conduits par la vanité et le plaisir qu’on trouve naturellement à parler de soi, révèlent au monde des secrets inutiles, des faiblesses qui ne sont pas les leurs et compromettent la paix des familles ». Après ces belles réflexions, me voilà écrivant les premières lignes de mes mémoires. Pour ne pas rougir à mes propres yeux, et pour me faire illusion, voici comment je pallie mon inconséquence.
D’abord je n’entreprends ces mémoires qu’avec le dessein formel de ne disposer d’aucun nom que du mien propre dans tout ce qui concernera que ma vie privée ; j’écris principalement pour rendre compte de moi à moi-même ».

15. CIORAN Emil, De l’inconvénient d’être né : « On ne devrait écrire des livres que pour y dire des choses qu’on n’oserait confier à personne ».

16. CLAUDEL Paul, Vers d’exil : « … Quelqu’un qui soit en moi plus moi-même que moi ».

17. COCTEAU Jean, Poésie critique : « De notre naissance à notre mort, nous sommes un cortège d’autres qui sont reliés par un fil ténu ».

18. CORNEILLE Pierre, Médée, I, 5. :
Nérine : - « Dans un si grand revers, que vous reste-t-il ?
Médée : - moi,
Moi, dis-je, et c’est assez".

19. EINSTEIN Albert, Comment je vois le monde : « la vraie valeur d’un homme se détermine d’abord en examinant dans quelle mesure et dans quel sens il est parvenu à se libérer du Moi ».

20. GAUSSEN Frédéric, Le Monde dimanche : « Raconter sa vie est une satisfaction qu’on se refuse difficilement ».

21. GIDE André, Si le grain ne meurt : « Les Mémoires ne sont qu’à demi sincères, si grand soit le souci de vérité : tout est toujours plus compliqué qu’on ne le dit. Peut-être même approche-t-on de plus près la vérité dans le roman ».

22. GIDE André, Un esprit non prévenu : « Quelle chose absurde cette crainte de parler de soi, de se montrer ! Le besoin de macération de Flaubert lui a fait inventer cette fausse, cette déplorable vertu. Pascal blâme le parler de soi dans Montaigne, y voit une démangeaison ridicule, mais n’est jamais si grand que lorsque lui-même y cède malgré lui ».

23. GIDE André, Les Nouvelles Nourritures : « Ce que je sens divers, c’est toujours moi ».

24. GIDE André, Journal : « Le moi est haïssable », dites-vous. Pas le mien ».

25. GIONO Jean, Noé : « Quoi qu’on fasse, c’est toujours le portrait de l’artiste par lui-même qu’on fait. Cézanne, c’était une pomme de Cézanne ».

26. GUITRY Sacha : « Je ne me sens jamais hors de moi, je me manquerais ».

27. GUITRY Sacha, Toutes réflexions faites : « Pauvres sots qui me reprochez ma façon de dire « moi » - Si vous étiez de mes intimes, vous sauriez comment je dis « toi » ! ».

28. HUGO Victor, Contemplations : « On se plaint quelquefois des écrivains qui disent : moi. Parlez-nous de nous leur crie-t-on. Hélas ! quand je parle de moi, je vous parle de vous. Comment ne le sentez-vous pas ? Ah ! Insensé, qui crois que je ne suis pas toi ! »

29. HYTIER Jean, Les romans de l’individu : « Une histoire vraie n’est pas un roman ; les mémoires, les biographies, les confessions n’en approchent que dans la mesure où ils mentent et usent de procédés ».

30. JOUBERT Joseph, Les carnets de Joseph Joubert : " Comment par la mémoire on est un, que sans elle il n’y a plus de moi, ou du moins de moi continu, plus de passé, plus d’avenir, rien qu’un présent numérique et mathématique qui n’est susceptible d’addition ni de division" .

31. KOONING Willem de, Une vie bouleversée : « Je ne sais pas ce que je suis, mais je ne suis pas les autres ».

32. LA ROCHEFOUCAULD François de, Maximes : « L’extrême plaisir que nous prenons à parler de nous-mêmes nous fait craindre de n’en donner guère à ceux qui nous écoutent ».

33. LAVELLE Louis, La conscience de soi : « Qu’est-ce que le moi, sinon ce que chacun connaît de lui-même ? ».

34. LEAUTAUD Paul, Journal : « Il paraît qu’il est immoral de soi. Moi je ne sais guère que parler de moi ».

35. LEAUTAUD Paul, Journal : « Il n’est pas d’entreprise plus raisonnable que de parler de soi, plus agréable pour l’auteur et ses lecteurs, et soin plus nécessaire, du moins plus avouable ».

36. LEAUTAUD Paul : « Je ne suis décidément pas assez fou de moi ».

37. LE BON Gustave, Aphorismes du temps présent. (1913) Paris, Les amis de Gustave Le Bon : « Le moi se compose d’un agrégat d’éléments ancestraux souvent hétérogènes. Son unité est aussi fictive que celle d’une armée ».

38. LEC Stanislaw Jerzy, Nouvelles pensées échevelées. : « La division du moi est une grave maladie psychique, dans la mesure où elle réduit l’éclatement normal de l’homme en une infinie quantité d’êtres à une misérable dualité ».

39. LEVI-STRAUSS Claude, Tristes Tropiques : « Le moi n’est pas seulement haïssable : il n’a pas de place entre un nous et un rien ».

40. MAGRIS Claudio, Interview, Libération, 26 nov 1998 (à propos de son livre Microcosmes) : « J’ai essayé de faire comme si le moi était un coquillage vide où se laisse entendre le murmure du monde ».

41. MARIE DE France, Lai du chèvrefeuille :
« Mais si l’on veut les séparer,
Le coudrier meurt promptement,
Le chèvrefeuille mêmement.
Belle amie, ainsi est de nous ;
Ni vous sans moi ni moi sans vous ».

42. MAURIAC François, Commencements d’une vie : « Il ne faut pas non plus faire grief à un auteur de ce que ses mémoires sont, le plus souvent, une justification de sa vie. Même sans l’avoir lu au départ, nous finissons toujours par nous justifier ; nous sommes toujours à la barre, dès que nous parlons de nous, - même si nous ne savons plus devant qui nous plaidons. Mémoires, confessions, souvenirs témoignent qu’à toute foi religieuse survit, dans la plupart des hommes, cette angoisse du compte à rendre ».

43. MODIANIO Patrick : « L’autobiographie, c’est un genre bâtard, une solution de facilité pour quand on manque de courage, une baisse de tension ».

44. MONTAIGNE Michel Eyquem de, Essais : « Lecteur, je suis moy-mesmes la matière de mon livre ».

45. MONTAIGNE Michel Eyquem de, Essais III 8 « Le n’oser parler de soi a quelque faute de cœur […] J’ose non seulement parler de moi, mais parler seulement de moi. Je fourvoie quand j’écris d’autre chose, et me dérobe à mon sujet ».

46. MONTAIGNE Michel Eyquem de, Essais I, 28 : « Si on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne peut s’exprimer qu’en répondant : « Parce que c’était lui, parce que c’était moi ».

47. MONTHERLANT Henry de, Service inutile : « Je ne parlerai pas de moi à la troisième personne – « l’auteur de ces pages » etc.- parce que c’est une hypocrisie puérile. Je dirai « je », parce que c’est là qu’est la simplicité et le naturel ».

48. MORIN Edgar, Journal d’un livre : « Au fond de moi il y a le noyau. Toutefois, à le regarder de près, ce noyau, il n’est pas d’or ou de plomb, ce n’est pas un "invariant", c’est un "yin/yang" tourbillonnant, où se conjuguent et se combattent foi/doute, être/néant, espoir/désespoir. Ils se sont toujours combattus et continuent à se combattre, tantôt l’un dominant l’autre ; mais, maintenant, avec le temps, ils savent aussi travailler ensemble ».

49. MOUNIER Emmanuel, Le personnalisme : « De même que le philosophe qui s’enferme d’abord dans la pensée ne trouvera jamais une porte vers l’être, de même celui qui s’enferme d’abord dans le moi ne trouve jamais le chemin vers autrui ».

50. NIETZSCHE Friedrich : « Toute philosophie n’est qu’une autobiographie ».

51. NIETZSCHE Friedrich : « Autrefois le moi était caché dans le troupeau, aujourd’hui le troupeau se cache dans le moi ».

52. NOÊL Marie, Les chansons et les heures : « Connais-moi si tu peux, ô passant, connais-moi ! Je suis ce que tu crois, et suis tout le contraire ».

53. PANERO Leopoldo Maria, Piedra negra o del temblar : « Ainsi est mon moi une loque que revêt un nom ».

54. PASCAL Blaise, Pensées : « Le sot projet qu’il a de se peindre ! et cela non en passant et contre ses maximes, comme il arrive à tout le monde de faillir, mais par ses propres maximes… Il inspire une nonchalance du salut, sans crainte et sans repentir… Ce que Montaigne a de bon ne peut être acquis que difficilement. Ce qu’il a de mauvais, j’entends hors les mœurs, pût être corrigé en un moment, si on l’eût averti qu’il faisait trop d’histoires et qu’il parlait trop de soi ».

55. PASCAL Blaise, Pensées : « Le moi est haïssable […] il est injuste en soi, en ce qu’il fait centre de tout ; il est incommode aux autres, en ce qu’il les veut asservir : car chaque moi est l’ennemi et voudrait être le tyran de tous les autres. Vous en ôtez l’incommodité, mais non pas l’injustice ; et ainsi vous ne le rendez aimable à ceux qui en haïssent l’injustice : vous ne le rendez aimable qu’aux injustes, qui n’y trouvent plus leur ennemi, et ainsi vous demeurerez injuste et ne pouvez plaire qu’aux injustes ».

56. PIRANDELLO Luigi : « Ce que je veux, c’est le fuir moi-même ».

57. PROUST Marcel : « Le moi profond reste le meilleur des masques antirides ».

58. RACINE Jean : « Je trouve deux hommes en moi ».

59. RENAN Ernest, Préface aux Souvenirs d’enfance et de jeunesse : « Ce qu’on dit de soi est toujours poésie. S’imaginer que les menus détails sur sa propre vie valent la peine d’être fixés, c’est donner la preuve d’une bien mesquine vanité. On écrit de telles choses pour transmettre aux autres la théorie de l’univers qu’on porte en soi ».

60. RETIF DE LA BRETONNE Nicolas, Monsieur Nicolas I, Dédicace : « Cher MOI ! le meilleur de mes amis, le plus puissant de mes protecteurs, et mon souverain le plus direct, agréez l’hommage que je vous fais de ma dissection morale ».

61. RETIF DE LA BRETONNE Nicolas, Monsieur Nicolas I, Introduction : « Je dois anatomiser le cœur humain sur mon sens intime et sonder les profondeurs du moi ».

62. REVERDY Pierre, Le Livre de mon bord : « Le moi est haïssable. Aimer le prochain comme soi-même, c’est tout dire ».

63. RICHARDSON Dorothy, Eau morte : « Il y a quelque chose en moi qui ne peut être ni atteint ni changé. Moi ».

64. RIMBAUD Arthur, Lettre à Paul Demeny, 15 mai 1871 : « Je est un autre ».

65. ROBBE-GRILLET Alain, Le miroir qui revient : « Je n’ai jamais parlé d’autre chose que de moi ».

66. ROUSSEAU Jean-Jacques, Confessions X : « J’avais toujours ri de la fausse naïveté de Montaigne qui, faisant semblant d’avouer ses défauts, a grand soin de ne s’en donner que d’aimables ».

67. ROUSSEAU Jean-Jacques, Préambule du manuscrit de Neuchâtel : « Les plus sincères sont vrais tout au plus dans ce qu’ils disent, mais ils mentent par leurs réticences, et ce qu’ils taisent change tellement ce qu’ils feignent d’avouer, qu’en ne disant qu’une partie de la vérité ils ne disent rien ».

68. ROUSSET Jean, Forme et signification : « L’artiste ne connaît pas d’autre instrument de l’exploration et de l’organisation de soi-même que la composition de son œuvre ».

69. SAND George, Œuvres autobiographiques : « Je souffre mortellement quand je vois le grand Rousseau s’humilier ainsi et imaginer qu’en exagérant, peut-être en inventant ces péchés-là, il se disculpe des vices de cœur que ses ennemis lui attribuaient […] Qu’on soit pur ou impur, petit ou grand, il y a toujours vanité, vanité puérile et malheureuse, à entreprendre sa propre justification ».

70. SARTRE Jean-Paul, Les Mots : « Si je range l’impossible Salut au magasin des accessoires, que reste-t-il ? Tout un homme, fait de tous les hommes et qui les vaut tous et que vaut n’importe qui ».

71. SARTRE Jean-Paul, L’existentialisme est un humanisme : « Pour obtenir une vérité quelconque sur moi, il faut que je passe par l’autre ».

72. SCUTENAIRE Louis, Mes inscriptions : « Rien n’existe où je ne suis pas ; tout existe où je suis ».

73. STENDHAL, Vie de Henry Brulard : « Oui, mais cette effroyable quantité de Je et de Moi ! Il y a de quoi donner de l’humeur au lecteur le plus bénévole. Je et Moi, ce serait au talent près, comme M. de Chateaubriand, ce roi des égotistes. De « je » mis avec « moi » tu fais la récidive ».

74. STIRNER Max, L’Unique et sa propriété : « Pour Moi, il n’y a rien au-dessus de Moi ».

75. SUARES André : « Le moi est le héros qui se désespère ».

76. TERENCE : « Mon plus proche parent, c’est moi-même ».

77. VALERY Paul, Lettres à quelques uns : « Je ne me suis jamais référé qu’à mon MOI PUR, par quoi j’entends l’absolu de la conscience, qui est l’opération unique et uniforme de se dégager automatiquement de tout, et dans ce tout, figure notre personne même, avec son histoire, ses singularités, ses puissances diverses et ses complaisances propres ».

78. VALERY Paul, Monsieur Teste : « C’est ce que je porte d’inconnu à moi-même qui me fait moi ».

79. VALERY Paul : « Il y a des moi plus moi que d’autres ».

80. VALERY Paul : « Je me suis rarement perdu de vue ; je me suis beaucoup aimé ; je me suis beaucoup détesté. Enfin, nous avons vieilli ensemble ».

81. VALERY Paul, Tel quel, Choses tues : « Que si le moi est haïssable, aimer son prochain comme soi-même devient une atroce ironie ».

82. VALERY Paul, La Jeune Parque : « Harmonieuse MOI, différente d’un songe »

83. VALERY Paul, Rhumbs : « Ecrire en Moi naturel. Tous écrivent en Moi-dièse ».

84. VIGNY Alfred de, Journal d’un poète : « Le mot de la langue le plus difficile à prononcer et à placer convenablement, c’est moi ».

85. VOLTAIRE : « Le charmant projet que Montaigne a eu de se peindre naïvement comme il l’a fait ; car il a peint la nature humaine ».

86. WILDE Oscar : « Le plus brave de nous a peur de son moi ».

87. WOOLF Virginia, Une chambre à soi : « Il est plus important d’être soi-même que qui que ce soit d’autre ».


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