Le Cas’Nard

Journal de Bernard Martial

© Bernard MARTIAL – août 2014


LES MURS MÛRS

mardi 17 novembre 2009, par Bernard MARTIAL

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Le 9 novembre 2009, le monde fête, à grands renforts de discours lyriques sur la liberté, le vingtième anniversaire de la chute du mur de Berlin. Mais depuis vingt ans, il n’y a jamais eu autant de murs sur la planète. En Europe même, les murs d’Irlande et de Chypre séparent depuis une trentaine d’années les catholiques et les protestants, Chypriotes grecs et turcs jusque dans Nicosie. A Usti nad Labem, dans la Bohème tchèque, un mur a été élevé en 1999 pour séparer les Roms des autres habitants. Le maire de Padoue, en Italie, a fait de même en 2006 pour empêcher, selon ses termes « les dealers des HLM de venir trafiquer dans un quartier résidentiel ». Dans la péninsule ibérique, depuis 1908, une barrière isole le territoire de Gibraltar du reste de l’Espagne alors que, de l’autre côté de la Méditerranée, une barrière électrifiée gardée par des soldats doit protéger l’Espagne des travailleurs marocains et sub-sahariens d’entrer dans les enclaves de Ceuta et Melilla. Au Maroc, une vaste muraille de sécurité de 2.720 km est érigée dans le Sahara occidental pour isoler le Front Polisario. Sur le continent africain, le Botswana a construit en 2003 une barrière électrique de 500 kilomètres le long de sa frontière avec le Zimbabwe, soi-disant pour « empêcher les animaux de ferme contaminés d’entrer dans le pays », en réalité pour limiter l’arrivée massive de réfugiés fuyant les massacres ethniques. Entre 1986 et 1989, 89 personnes ont été électrocutées sur la barrière entre le Mozambique et l’Afrique du Sud. Au Moyen-Orient, le mur élevé par Israël est probablement le plus connu. Entamée en juin 2002 pour prévenir les attentats palestiniens, cette clôture de défense de 650 km le long de la « ligne verte » avec la Cisjordanie est composée de barbelés, fossés, clôtures électroniques et de murs de béton atteignant parfois 9 m de haut. Mais elle n’est pas la seule. Des séparations analogues existent aux frontières avec la Jordanie, le Liban et la Syrie. A Charm-el-Cheikh, un mur de 20km protège la station balnéaire égyptienne des Bédouins considérés comme responsables des attentats de 2005. A Bagdad, un mur de 5km sépare les Sunnites et les Chiites. Depuis 2006, l’Arabie Saoudite a entamé la construction d’une barrière de sécurité le long de ses 900 kilomètres de frontières avec l’Irak et a amorcé la construction d’une fortification similaire ultrasophistiquée le long de sa frontière avec le Yémen, amputant au passage le territoire yéménite de 7 km, et elle vient d’attribuer des contrats pour la réalisation d’un mur virtuel sur le reste de ses frontières avec le Qatar et les Emirats arabes unis. Ces derniers sont en train de mettre en place une barrière sur leur frontière avec Oman et le Koweït renforce le mur de 215 km le long de sa frontière avec l’Irak. En Asie centrale, l’Ouzbékistan, à la suite d’un différend territorial, a élevé une barrière barbelée le long de sa frontière avec le Kirghizstan (870 km) en raison de l’infiltration de terroristes islamistes, tandis que sur son flanc occidental, c’est le Turkménistan qui déploie une clôture de barbelés (1700 km). L’ancienne république soviétique se protège aussi de ses voisins tadjiks, kazakhs et afghans par d’autres clôtures hermétiques. Du fait de la présence de troupes russes, la Géorgie envisage de construire un mur de trois mètres de hauteur à la frontière administrative avec l’Abkhazie. La grande démocratie qu’est l’Inde a, elle aussi, construit deux clôtures de sécurité, l’une au Cachemire pour s’isoler du Pakistan (3300 km), l’autre au Bangladesh, pour limiter la contrebande et l’immigration. Un mur de 1624 km sépare l’Inde de la Birmanie. Le Pakistan et l’Afghanistan veulent fortifier la ligne Durand longue de 2.400 km. En 2010, un mur devrait s’élever à la frontière irano-pakistanaise, en théorie pour prévenir le trafic de drogues. Pour couper les militants islamistes de leurs bases, la Thaïlande a élevé, depuis 2007, un mur de béton le long des 75 km de sa frontière avec la Malaisie. En Extrême-Orient, le sultanat de Brunei a érigé une barrière de sécurité le long de sa frontière avec le Limbang en invoquant, elle aussi, des problèmes de contrebande et d’immigration clandestine. Depuis la fin de la guerre de Corée, la DMZ entre les deux Corées est une frontière encore plus hermétique que le mur de Berlin. La Chine a entrepris depuis 2006 de construire une clôture de sécurité du côté de la Corée du Nord pour faire face aux flots de réfugiés. Aux Etats-Unis, le président George W. Bush a fait publier, en 2006, la loi du Secure Fence Act destinée à renforcer la surveillance de la frontière avec le Mexique et à lutter contre l’immigration illégale. Totalisant 1200 kilomètres, soit un tiers de la frontière, un mur haut de 4,50 m a donc été construit éclairé par les miradors et balayé de caméras high-tech. Cette « tortilla border » a fait 378 morts en 2009. Au Brésil, l’idée du gouverneur de Rio d’édifier un mur autour de treize favelas de la ville pour contenir leur expansion au détriment de l’environnement a été provisoirement abandonnée mais inspire des projets pour sécuriser la ville au moment de la Coupe du monde en 2014 et des Jeux Olympiques de 2016.

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