Le Cas’Nard

Journal de Bernard Martial

© Bernard MARTIAL – août 2014


LE HEROS ET LE BOURREAU

samedi 12 avril 2014, par Bernard MARTIAL

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Alors qu’une centaine d’ex et actuels chefs d’état et de gouvernement se pressait dans le stade Soccer City de Johannesburg pour un hommage international à Nelson Mandela mardi 10 décembre 2013, environ deux cents personnes, dont d’anciens soldats parachutistes et l’avocat élu député sous l’étiquette FN, Gilbert Collard, assistaient aux obsèques du général Paul Aussaresses à La Vancelle (Bas-Rhin). Curieuse coïncidence de l’histoire, le héros de la lutte contre l’apartheid et le tortionnaire, nés tous les deux en 1918, sont morts à deux jours d’écart, le 5 et le 3 décembre, à l’âge de quatre-vingt-quinze ans. Résistant pendant la Seconde guerre mondiale, le général Aussaresses avait déclenché une tempête politique en 2001 en admettant dans un livre avoir pratiqué en Algérie la torture, « tolérée sinon recommandée » selon lui par les politiques. Il avait été condamné définitivement en 2004 à 7500 euros d’amende pour apologie de la torture puis exclu de l’ordre de la Légion d’honneur par le président Jacques Chirac. Pendant que Nelson Mandela entamait sa longue peine de vingt-sept années d’emprisonnement à Robben Island, le para français enseignait aux Etats-Unis les techniques de la bataille d’Alger aux Bérets verts de Fort Bragg puis formait au Brésil les nervis des principales dictatures militaires de l’Amérique latine. Adepte de la non-violence, le fondateur de l’ANC refusa au contraire de céder à la vengeance lors de sa libération en 1990 et entama une politique de réconciliation nationale que ne comprirent pas toujours ses propres partisans mais qui empêcha le pays de sombrer dans le chaos. Bien plus, le prix Nobel de la Paix 1993 ne céda pas à la tentation de s’approprier le pouvoir comme beaucoup d’anciens opposants emprisonnés et se retira de la vie politique après un unique mandat présidentiel de 1994 à 1999. « Il est beau qu’un soldat désobéisse à des ordres criminels » écrivait Anatole France dans l’Humanité le 30 novembre 1922. Sans doute le général Aussaresses était-il trop soldat pour se laisser convaincre par ce précepte, alors que Mandela aimait assurément plus la liberté pour tomber dans ce nouveau piège de la servitude du pouvoir. Dans son Autobiographie, Nelson Rolihlahla Mandela écrivait ainsi : « Je savais parfaitement que l’oppresseur doit être libéré tout comme l’opprimé. Un homme qui prive un autre homme de sa liberté est prisonnier de sa haine, il est enfermé derrière les barreaux de ses préjugés et de l’étroitesse d’esprit. [...] Quand j’ai franchi les portes de la prison, telle était ma mission : libérer à la fois l’opprimé et l’oppresseur. »

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