Le Cas’Nard

Journal de Bernard Martial

© Bernard MARTIAL – août 2014


MALALA, UNE HEROÏNE MIRACULEE

jeudi 31 octobre 2013, par Bernard MARTIAL

Toutes les versions de cet article :

  • français

Le 9 octobre 2012, Malala Yousafzai, une jeune Pachtoune de quatorze ans était victime d’une tentative d’assassinat dans un bus scolaire à Mingora, principale ville de la vallée de Swat, au nord-ouest du Pakistan, une zone proche de l’influence des Talibans. Très grièvement blessée au cou et à la tête, elle fut transférée à l’hôpital de Saidu Sharif, puis à l’hôpital militaire de Peshawar par hélicoptère militaire. Alors que son transfert à l’étranger pour subir des opérations était déjà évoqué, l’hôpital militaire annonçait le 10 octobre vers 17h que la balle qui avait traversé le crâne et son cou avait été retirée après cinq heures d’opération. Après qu’il eut été un temps question de Dubaï, elle fut ensuite transférée dans l’hôpital militaire de Rawalpindi puis, le 15 octobre, vers le Queen Elizabeth Hospital de Birmingham au Royaume-Uni à bord d’un avion médicalisé fourni par les Emirats arabes unis, accompagnée d’une délégation de militaires pakistanais Uni. Le 3 janvier 2013, Malala Yousafzai quittait finalement l’hôpital de Birmingham afin de poursuivre sa rééducation à domicile avant un éventuel retour pour une opération de reconstruction du crâne.

L’attaque perpétrée contre la jeune fille avait été revendiquée par les insurgés du Tehrik-e-Taliban Pakistan, allié au réseau d’Al-Qaïda. Ehsannulah Ehsan, porte-parole du TTP avait ainsi justifié cet acte : « C’est une fille à la mentalité occidentale qui passe son temps à nous dénoncer. Quiconque critiquera les Talibans subira le même sort ; […] Nous l’avions prévenue plusieurs fois qu’il fallait qu’elle cesse de parler contre les Talibans, qu’elle arrête de soutenir les ONG occidentales et qu’elle prenne le chemin de l’islam ». L’adolescente était dans le collimateur des Talibans pour ses prises de position contre leur joug dans la région de Swat et l’interdiction faite aux filles d’aller à l’école au-delà du CM1. C’est à onze ans, sous le pseudonyme de Gul Makai, sur un blog hébergé par la BBC en ourdou (Journal d’une écolière pakistanaise), qu’elle avait commencé à dire son indignation face aux interdits de la vie sous le règne des Talibans, et elle avait fini par prendre la parole ouvertement sur des plateformes pakistanaises et étrangères. Tout comme son père Ziauddin qui présidait une association de cinq cents écoles privées dans la vallée, Malala avait fait de l’éducation des filles son combat. Après avoir détruit plus de cent cinquante écoles dans la région en 2008, les Talibans avaient édicté en janvier 2009 un décret religieux interdisant l’école aux filles. A la veille du dernier jour d’école avant les vacances, le 14 janvier 2009, Malala écrivait : «  Cette fois-ci, les filles ne sont pas très enjouées à l’annonce des vacances car elles savent que si les Talibans appliquent leur décret, elles ne pourront plus retourner à l’école. Certaines filles étaient optimistes quant à une réouverture de l’école en février, mais d’autres ont dit que leurs parents avaient décidé de quitter la vallée de Swat et d’aller s’installer dans d’autres villes pour leur offrir une éducation. » A l’instar de nombreuses familles de la région, Malala et ses parents avaient quitté la vallée et n’y étaient revenus que quelques mois plus tard. Une vidéo montrant des Talibans fouettant une jeune fille avait soulevé l’indignation et précipité une vaste offensive de l’armée pakistanaise pour déloger les Talibans dirigés par le chef religieux Maulana Fazlullah, (commanditaire présumé de l’attentat contre Malala selon les autorités pakistanaises) affiliés au Mouvement des Talibans du Pakistan (TTP), de la vallée, surnommée la « Suisse du Pakistan » pour son fort potentiel touristique et ses montagnes. Devenue la « face progressive de Swat », Malala se voyait décerner en 2011 le premier prix national de la jeunesse pour la paix par le gouvernement pakistanais des mains du Premier ministre Youssouf Raza Gilani. Cette nouvelle notoriété en fit une cible privilégiée pour les Talibans.

Le sort réservé à la jeune fille a choqué le Pakistan et soulevé une vague d’indignation et de solidarité dans le monde entier. Le jour de ses seize ans, le 12 juillet 2013, elle prononçait son premier discours en public, à New York devant l’Assemblée générale des Nations unies, en présence du secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon, de Gordon Brown, et de plusieurs centaines de jeunes de 12 à 25 ans représentant 85 pays. Les Talibans « pensaient qu’une balle pourrait nous réduire au silence mais ils ont échoué, du silence sont sorties des milliers de voix », dit la jeune miraculée, entièrement vêtue de rose et les épaules recouvertes du châle blanc de Benazir Bhutto, l’ancienne première ministre du Pakistan tuée dans un attentat en 2007. « Les extrémistes ont peur des livres et des stylos. Le pouvoir de l’éducation les effraie », avant de lancer, devant ses parents émus, un appel aux gouvernements « à assurer une éducation libre et obligatoire à chaque enfant dans le monde […] Un enfant, un enseignant, un livre et un stylo peuvent changer le monde ». Après s’être vue décerner le Prix Simone de Beauvoir pour la liberté des femmes en décembre 2012 et le Prix Sakharov le 10 octobre, Malala Yousafzai a longtemps été pressentie pour le Prix Nobel de la Paix 2013.


RSS 2.0 [?]

Espace privé

Site réalisé avec SPIP
Squelettes GPL Lebanon 1.9