Le Cas’Nard

Journal de Bernard Martial

© Bernard MARTIAL – août 2014


J’ai rencontré le diable ( 악마를 보았다), film sud-coréen de Kim Jee-Woon, 2010

samedi 14 janvier 2012, par Bernard MARTIAL

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Par une nuit de neige, Joo-Yeon téléphone à son mari Soo-Hyun en attendant la dépanneuse car sa voiture a un pneu à plat quand surgit une camionnette jaune de ramassage scolaire. L’homme lui propose son aide puis se jette sur elle après avoir défoncé la voiture. Dans son antre, le meurtrier l’achève et la découpe en morceaux malgré qu’elle lui ait dit qu’elle était enceinte. La bague de Joo-Yeon roule dans le caniveau puis le bourreau lave la pièce à grande eau. Le lendemain, un enfant trouve une oreille coupée. La police est alertée sur les lieux pour procéder aux recherches sous la direction du chef de section Oh (Cheon Ho-Jin) et du chef d’escadron Jang (Jeon Kuk-Hwan) qui n’est autre que le père de Joo-Yeon. La tête est retrouvée. Soo-Hyun, qui est agent secret, est décidé à se venger. Quatre suspects sont rapidement identifiés et Soo-Hyun maltraite les deux premiers avant d’acquérir la conviction que le coupable est Jang Kyung-Chul qui a déjà fait une nouvelle victime : une jeune fille attendant un bus sur une route isolée et qui a imprudemment accepté de monter avec lui. Se faisant passer pour un agent d’assurance, Soo-Hyun se rend chez les parents du suspect qui ont recueilli leur petit-fils et il apprend de Sang-Won où habite Kyung-Chul. Dans la maison, il retrouve des affaires de femme et la bague de sa femme. Entre-temps, le psychopathe a encore enlevé une jeune collégienne et s’apprête à la violer dans une serre quand Soo-Hyun arrive. Le combat est violent mais au lieu de tuer Kyung-Chul, l’agent secret lui casse le poignet et lui fait avaler à son insu une capsule reliée à un GPS qui permettra à Soo-Hyun de le suivre à la trace. Il veut lui faire payer au centuple la souffrance qu’il a causée à Joo-Yeon. A son réveil, le violeur trouve de l’argent puis dans la nuit, il hèle un taxi dont il finira par massacrer les deux occupants. Après s’être changé, il va se faire soigner dans un dispensaire. Il menace le médecin et sa tentative de viol de la jeune infirmière est interrompue par l’intervention de Soo-Hyun. Ce nouveau déchaînement de violence se conclut par une nouvelle mutilation : Soo-Hyun sectionne le talon d’Achille de sa victime. Abandonné sur un parking Kyung-Chul, décide de se rendre chez un ami Tae-Joo, un cannibale qui garde de la viande fraîche dans sa cave et qui lui explique que celui-ci qui le pourchasse (le plaisir du chasseur : attraper et relâcher) doit avoir un rapport avec une de ses victimes. Un troisième combat a lieu dans l’auberge diabolique. Le lendemain, la police vient arrêter Tae-Joo et son amie Se-Jung que Soo-Hyun a neutralisés. Soo-Hyun et Kyung-Chul sont soignés dans un hôpital secret où l’adjoint de l’agent secret les a conduits. Mais Kyung-Chul sait désormais à qui il a affaire et a compris comment l’homme parvenait à le retrouver. Il va se débarrasser de l’émetteur et avant de se rendre, il est bien décidé à faire payer le prix fort à Soo-Hyun. Mais celui-ci est devenu un fauve et il n’abandonnera pas.

Sur le thème de la vengeance, on croyait avoir tout vu dans le cinéma coréen avec la trilogie de Park Chan-Wook (Old boy, Sympathy for Mr Vengeance, Lady Vengeance). Ce n’était manifestement pas le cas puisqu’avec ce duel sans merci, Kim Jee-Woon repousse les limites de l’horreur, de la violence et du sadisme. Choi Min-Sik, acteur génialissime de deux des opus de la vengeance et grand acteur phare de la précédente décennie a même accepté de quitter sa retraite anticipée (qu’il avait prise pour protester contre la fin de la politique des quotas qui avait permis l’embellie du cinéma coréen) pour jouer ce nouveau rôle de personne halluciné, inquiétant, sauvage, indestructible et ricaneur. Malgré la difficulté du personnage, on sent qu’il éprouve une jubilation à pousser à son maximum le jeu diabolique (après tout les Anciens n’identifiaient-ils pas les comédiens avec le diable ?). Il faut dire qu’en face, un autre grand acteur lui donne la réplique. Comédien fétiche de Kim Jee-Woon (A bittersweet life, Le bon, la brute et le cinglé), remarqué aux côtés de Song Kang-Ho dans JSA de Park Chan-Wook, Lee Byung-Hun, incarne cet ange que la colère et la vengeance va transformer en démon. Au point qu’on ne sait bientôt plus où se situe la frontière du bien et du mal, qui est le bourreau et la victime. Car, comme l’écrit Friedrich Nietzsche dans Par delà la bien et le mal : « Que celui qui lutte avec des monstres veille à ce que cela ne le transforme pas en monstre. Si tu regardes longtemps au fond de l’abîme, l’abîme aussi regarde au fond de toi. » Après avoir exploré et parodié le film d’horreur (Deux Sœurs), le film de gangsters (A bittersweet life) et le western (Le bon, la brute et le cinglé), Kim Jee-Woon réussit à rivaliser à se hisser à la hauteur du film culte Old Boy et à imposer par l’image et le son une esthétique glaciale et morbide que quelques touches d’humour viennent soulager, de temps en temps, de sa pesante suffocation (Kyung-Chul qui traite les autres de cinglés, Tae-Joo qui casse le manche du tournevis fiché dans sa main ou qui constate qu’il n’y a plus d’intestins frais à manger, la belle-sœur de Soo-Hyun qui lui dit que « la vengeance c’est dans les films »). Ce film à vous glacer les sangs qui a eu des démêlés avec la censure coréenne, n’est assurément pas à mettre devant tous les spectateurs. Evitez de commander un steak tartare au restaurant en sortant du film ! J’ai rencontré le diable a fait le tour de plusieurs festivals à travers le monde : Festival du Film Asiatique de Deauville 2011, Festival de San Sebastian 2010, Festival Hallucinations Collectives 2011. Et dans le cadre du Festival du Film Fantastique de Gérardmer, il a remporté le Prix de la Critique, le Prix du Jury Jeune ainsi que le Prix du Public.


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