Le Cas’Nard

Journal de Bernard Martial

© Bernard MARTIAL – août 2014


LES EUMENIDES (Εὐμενίδες) d’Eschyle (Résumé et citations)

mercredi 3 août 2011, par Bernard MARTIAL

Toutes les versions de cet article :

  • français

Résumé et sélection de citations établis par Bernard Martial (professeur de lettres en CPGE)

(Edition de référence : GF n°1473. Présentation de Marie-Joséphine Werlings. Traduction de Daniel Loayza)
(Entre ( ) numéros des pages dans cette édition, entre [ ] notes et commentaires)

Personnages :
LA PYTHIE, prêtresse d’Apollon chargée de transmettre ses oracles
APOLLON, dieu prophétique
ORESTE, fils d’Agamemnon et de Clytemnestre, meurtrier de sa mère
LE FANTÔME DE CLYTEMNESTRE, mère d’Oreste
LE CHŒUR, composé des Erinyes, déesses vengeresses
ATHENA, déesse tutélaire d’Athènes
UN HERAUT
DES JUGES

La scène est d’abord à Delphes, dans le sanctuaire d’Apollon ; puis à Athènes, sur l’Acropole.

PROLOGUE


Delphes. Le sanctuaire d’Apollon.


Pour commencer sa prière, la Pythie salue d’abord les trois premières prophétesses Gaïa (la Terre), Thémis (fille de la Terre) et Phoibé (une autre Titanide) qui a accordé ce don de prophétie en présent de naissance à Phoïbos (Apollon) avec un nom tiré du sien. Laissant derrière lui son île natale de Délos, Apollon est venu s’installer à Delphes, au pied du Parnasse (61) où Zeus en a fait le quatrième prophète.
Elle salue aussi toutes les divinités protectrices de Delphes, Pallas Pronaïa, les nymphes de Kôrykos, Bromios (Dionysos), les sources du Pleïstos et Zeus, en implorant leur bénédiction du sanctuaire, avant de s’asseoir sur son trône de prophétesse. Elle invite les Grecs présents à approcher dans l’ordre indiqué par le sort.

Elle entre et ressort aussitôt du sanctuaire.


Si elle est ressortie terrifiée du palais de Loxias, c’est qu’elle a vu au fond du sanctuaire un suppliant serrant dans ses mains une épée sanguinolente et un rameau d’olivier enveloppé de bandelettes et, devant lui, une étrange troupe de femmes endormies, noires et repoussantes : Oreste et les Erinyes :
« de leurs yeux coule une libation d’horreur
et leur parure ne se porte avec JUSTICE
ni devant les statues des dieux ni sous les toits des hommes. »
La Pythie avoue ne jamais avoir vu une meute de cette espèce et laisse au devin Loxias le soin de s’occuper de cette affaire.

Elle sort. Apollon, Oreste, groupe d’Euménides endormies .


(63). Apollon renouvelle sa confiance à Oreste. Les furies sont pour le moment endormies mais « ces vierges abominables » le traqueront à travers tout le continent. Il doit fuir. Apollon lui conseille d’aller à Athènes prier Pallas.
« Alors avec des juges et des paroles qui les charment
nous trouverons un moyen
de te délivrer tout à fait de tes épreuves,
puisque c’est moi qui t’ait poussé à tuer ta mère. »
Oreste en appelle à la justice d’Apollon :
« Seigneur Apollon, tu sais éviter l’INJUSTICE ;
toi qui le sais, apprends encore à éviter la négligence.
[distinction juridique entre l’acte injuste prémédité et la simple négligence coupable dans les tribunaux attiques]
Mais ta puissance est garante de tes bienfaits. » (64)
Apollon lui dit de ne pas avoir peur et demande à Hermès et à Zeus de veiller sur lui.

Ils sortent. Entre le fantôme de Clytemnestre.


Clytemnestre reproche aux Erinyes de dormir pendant qu’elle subit la honte parmi les morts. Elle leur a sacrifié beaucoup de libations d’eau et de miel et de repas mais en vain puisque son fils s’enfuit comme un jeune cerf. (65)

Le chœur gronde (2 fois) puis pousse un cri (2 fois)


Pendant ce temps, Clytemnestre se plaint d’être abandonnée alors que son fils est déjà loin.

Le chœur pousse un double cri aigu.


« Attrape ! – regarde ! » crie le chœur dans son sommeil. Filant la métaphore des chiens derrière le cerf, Clytemnestre leur reproche de ne chasser la bête qu’en rêve. Elles doivent se lever (66) et entamer la seconde poursuite [la 1ère a conduit Oreste et les Erinyes d’Argos au sanctuaire d’Apollon ; la seconde s’étendra de Delphes à Athènes].

Elle sort.


PREMIERE PARODOS


Le coryphée réveille chacune des Erinyes.
Strophe 1 : Le chœur des Erinyes s’éveille en clamant sa souffrance. Pendant leur sommeil, leur proie s’est enfuie.
Antistrophe 1 : Le chœur reproche à Apollon de leur avoir dérobé un matricide.
« Qui prétendra qu’il y ait là quelque JUSTICE ? »
Strophe 2 : Il a senti un reproche venir le frapper pendant son sommeil. (67)
Antistrophe 2 : Les Erinyes reprochent aux jeunes dieux d’être complices des meurtres :
« Jeunes dieux, tels sont donc vos actes,
votre toute-puissance injuste
et le trône est trempé de meurtre
de sa tête à son pied,
l’ombilic de la terre,
je vois peser sur lui
la souillure horrible du sang. »
Strophe 3 : Cette rupture de l’antique partage qui veut qu’Apollon soustraie Oreste à la vengeance des Erinyes, est une souillure dans le temple d’Apollon.
Antistrophe 3 : Mais quelle que soit la protection dont il bénéficie, Oreste n’échappera pas à leur vengeance.

PREMIER EPISODE


Entre Apollon.


Apollon ordonne aux Erinyes de quitter immédiatement son sanctuaire. Qu’elles aillent en un lieu où l’on pratique des châtiments barbares pour toute justice :
« Allez-vous en où la JUSTICE décapite, crève les yeux,
coupe les gorges et broie les germes
de la fleur des enfants mutilés, tranche les membres
et lapide les corps, là où hurlent sans fin
le malheureux à l’échine empalée. »
Celles qui sont haïes des dieux ne sont pas dignes de ce lieu.
Le coryphée réplique en disant à Apollon qu’il porte l’entière responsabilité de ce crime parce que c’est son oracle qui poussa Oreste au matricide :
« Seigneur Apollon, écoute à ton tour.
Toi-même, tu n’es pas complice de ces crimes :
toi seul, tu as tout fait, tu es entièrement coupable. […]
C’est ton oracle qui a poussé ton hôte au parricide. »
(69)
Le coryphée reproche à Apollon de ne pas accueillir les Erinyes qui ont pour mission de chasser les matricides. Quand Apollon rappelle le meurtre d’Agamemnon par Clytemnestre, le coryphée avance cet argument : « Sa victime n’est pas de son propre sang. » Apollon lui reproche son dédain pour les divinités du mariage et de l’amour (Zeus, Héra, Cypris-Aphrodite) (70), sa subjectivité et sa partialité dans l’exercice de sa justice :
« Oui, sur la couche où le destin unit l’homme et la femme
la JUSTICE monte la garde, plus puissante que le serment.
S’ils s’entretuent et si la rigueur se relâche
jusqu’à les négliger, et si la colère n’y veille pas,
j’affirme donc que tu poursuis Oreste injustement.
Car je constate que si certains crimes t’obsèdent,
tu es pour d’autres visiblement plus indulgente.
Mais là-dessus Pallas veille et rendra JUSTICE. »
Malgré la puissance d’Apollon, les Erinyes continueront à poursuivre le coupable. Apollon, de son côté, n’abandonnera pas Oreste.

Ils sortent.

(71)

DEUXIEME EPISODE


Athènes. L’Acropole. Le temple d’Athéna et son idole.

Entre Oreste.


Selon la prescription de Loxias, Oreste dont la souillure s’est peu à peu effacée au contact des mortels, se présente devant Athéna pour que « s’accomplisse la JUSTICE ».

Epiparodos (seconde entrée du chœur)


Grâce à un dénonciateur, le coryphée a retrouvé ici la trace d’Oreste [reprise de la métaphore du cerf et des chiens].
Le chœur a retrouvé Oreste (72) : il ne veut pas laisser enfuir ce meurtrier même s’il a retrouvé de l’aide auprès d’une nouvelle déesse dont il enlace la statue « en réclamant d’être jugé pour l’acte de son bras. » La mère assassinée ne peut plus revenir mais son assassin doit être entraîné dans les profondeurs d’Hadès.
Oreste, l’élève du malheur, qui sait « quand il est juste de parler ou de se taire », déclare qu’il a « lavé la souillure du parricide » grâce au sacrifice d’un pourceau (73) et que depuis il a approché beaucoup de gens sans dommage. Il invoque maintenant la protection d’Athéna pour lui et le peuple des Argiens. Où qu’il soit un dieu peut l’entendre et venir le délivrer de la meute.
Ce à quoi le coryphée répond que ni Apollon ni Athéna ne pourront le sauver de sa vengeance des Erinyes. (74)

PREMIER STASIMON


Au moment de déployer son chant le coryphée défend sa conception de la justice :
« A notre avis, notre JUSTICE est droite :
celui qui tendra des mains pures,
notre courroux ne l’approchera pas, toute sa vie s’écoule intacte ;
mais face au criminel pareil à celui-ci,
dissimulant des mains sanglantes,
notre sûr témoignage vient assister les morts,
nous paraissons
pour qu’il s’acquitte pleinement du prix du sang. »
Strophe 1 : Le chœur des Erinyes en appelle à leur mère, Nyx, car Apollon veut les priver de leurs honneurs en lui enlevant cette proie (lièvre).
Ephymnion : Le chœur invite les Erinyes à chanter leur hymne (chant de folie) (75)
Antistrophe 1 : La déesse du destin leur a donné la mission de châtier celui qui verse son propre sang. Elles le poursuivent jusque sous la terre.
Ephymnion : Le chœur invite les Erinyes à chanter leur hymne (chant de folie) (75)
Strophe 2 : Les dieux n’ont pas part à cette mission et elles ne participent pas aux cérémonies joyeuses.
Mésode 1 : Les Erinyes ont choisi de se jeter sur les criminels et de les éliminer dans le sang.
Antistrophe 2 : Les Erinyes tiennent à conserver leur domaine de compétence par rapport aux dieux. (76)
Strophe 3 : Sous leurs coups, toute gloire humaine disparaît.
Mésode 2 : Elles fondent sur le fugitif et le font basculer dans la ruine.
Antistrophe 3 : La chute du criminel.
Strophe 4 : Telle est la tâche des Erinyes qui les tient à distance des dieux.
Antisrophe 4 : Les mortels les craignent pour cela (77). Elles ne sont point privées d’honneurs même si leur domaine est souterrain.

TROISIEME EPISODE


Entre Athéna.


Athéna a entendu un cri depuis la région de Troade où les Achéens lui ont attribué une terre [place forte de Sigée]. Elle est revenue au galop. En arrivant, elle trouve Oreste assis près de sa statue et les Erinyes réclamant justice à grands cris. Ce qui indispose la déesse :
« … je m’adresse à tous en commun,
à l’étranger assis auprès de mon image
et à vous, nées d’une race sans pareille,
que les dieux ne voient point parmi les déesses
et dont les traits ne ressemblent pas aux mortels –
(78)
mais injurier autrui en l’absence de tout grief,
le droit et la JUSTICE s’y opposent. »
Les Erinyes disent qui elles sont (les Imprécations, sinistres enfants de la Nuit) et quelle est leur mission (« c’est nous qui chassons les assassins »). Athéna les presse de questions : celui qu’elles pourchassent a tué sa mère. La déesse veut entendre l’autre parti (79). Le coryphée rappelle qu’Oreste ne veut pas prêter serment et ne peut en recevoir [Avant l’ouverture d’un procès pour homicide devant les tribunaux athéniens, les deux parties devaient prêter serment : l’accusateur que son adversaire avait commis le crime ; l’accusé, qu’il en était innocent. Si l’une des deux parties refusait de jurer, l’autre avait gain de cause]. Mais Athéna lui reproche de vouloir s’acquitter un peu facilement de la justice par ce procédé :
« Athéna : - Tu veux passer pour juste plutôt que l’être ?
Le coryphée : - Comment donc ? Instruis-moi, car tu n’es pas pauvre en sagesse.
Athéna : - Je dis que par serments l’INJUSTICE ne doit pas vaincre. »
Le coryphée accepte de confier l’instruction du procès à Athéna.
La déesse demande alors à Oreste de se présenter et de s’expliquer sur cette accusation :
« Si tu crois à la JUSTICE, toi qui assis auprès de mon image
montes la garde à mon foyer
en vénérable suppliant, comme le fut Ixion,
réponds-moi nettement sur tous ces points. »
Oreste précise d’abord qu’il était lavé de sa souillure quand il s’est assis près de la statue (80) et qu’il s’est purifié. Il se présente : il est Argien et son père était Agamemnon, le vainqueur de Troie. Il est mort à son retour assassiné par sa femme qui l’a enveloppé d’un filet subtil et poignardé dans son bain. En rentrant de son exil, Oreste a tué sa mère pour venger ce crime sur le conseil de Loxias. C’est à Athéna de juger si son acte fut juste :
« Mon acte fut-il juste ou non ? A toi de trancher ;
quel que soit le verdict, je l’approuve. »
Athéna précise que si un mortel ne peut juger de ce cas, elle ne veut pas décider non plus d’autant qu’Oreste s’est présenté lavé de sa tache (81) mais elle ne souhaite pas non plus que, faute d’être entendues, les Erinyes se venge sur sa terre. Elle confiera donc l’affaire à des juges respectueux de leur serment :
« qu’ils jurent d’assister la cause juste,
tandis que je vais choisir les meilleurs citoyens
afin qu’ils rendent leur verdict du fond d’une pensée sincère
et sans violer leur serment au mépris de toute JUSTICE. »

Elle sort. Le chœur reste seul en scène.


DEUXIEME STASIMON


Strophe 1 : Le chœur craint que la légitimation du matricide crée une jurisprudence qui autorisera tous les crimes familiaux.
« C’est aujourd’hui qu’un nouveau droit
renverse tout, si la JUSTICE
et le tort de ce parricide
doivent remporter la victoire :
son acte laisse désormais
le champ libre à tous les mortels,
et les enfants réserveront à leurs parents
plus d’une plaie de vraie souffrance
dans le temps à venir. »
(82)
Antistrophe 1 : Tous les crimes seront alors permis aux hommes et les Erinyes seront sur tous les fronts.
Strophe 2 : Les pères ou les mères frappés ne pourront plus implorer le soutien des Erinyes :
« Que nul n’appelle à son secours
quand le malheur l’aura frappé,
que nul ne pousse plus ce cri :
« Ô JUSTICE,
O trône des Erinyes ! »
C’est ainsi peut-être qu’un père
dans la fraîcheur de sa souffrance
ou qu’une mère gémira,
puisque s’abat la demeure de la JUSTICE. »
Antistrophe 2 : Qui garderait encore du respect pour la justice s’il n’y avait pas la crainte.
« Parfois la crainte est un bienfait,
et pour veiller sur les pensées
il faut qu’elle y siège sans cesse.
Il est bon
que la douleur rende sage.
Quel mortel ou quelle cité,
si dans la lumière du monde
son cœur ne tremblait devant rien,
garderait autant de respect pour la JUSTICE ? »
Strophe 3 : Il faut savoir associer la force et la mesure.
« Ni anarchie
ni despotisme –
(83)
n’approuve ni l’une ni l’autre.
Le dieu en toutes choses a concédé la force
à la mesure, qui toujours veille sur tout.
Ces mots, je les règle sur elle :
oui, l’excès est vraiment le fils
de l’impiété, mais de la pensée saine
naît le bienfait tant souhaité,
la bien-aimée prospérité. »
Antistrophe 3 : Il faut aimer la justice et respecter les dieux, ses hôtes et ses parents au risque de subir un châtiment.
« Par-dessus tout,
je te le dis,
chéris l’autel de la JUSTICE
sans fouler par amour du gain sa dignité
d’un pied impie. Car ton châtiment surgira
et déjà la sanction t’attend.
Aux parents l’on doit le respect ;
honore-les d’abord, honore aussi
l’étranger séjournant chez toi
au nom de l’hospitalité. »
Strophe 4 : Quiconque essaie d’échapper à la justice se verra contraint…
« Qui consent sans contrainte à être juste
connaîtra la prospérité
et jamais ne périra tout entier.
Mais l’audacieux qui, au mépris de la JUSTICE,
s’embarque avec son lourd butin confus,
avec le temps se verra forcé d’amener
sa voile, je l’affirme, et subira l’épreuve
quand sa vergue sera brisée. »
Antistrophe 4 : … il finira par périr.
« Il appelle et nul ne l’entend au sein
de l’invincible tourbillon ;
l’esprit vengeur se rit de l’homme ardent
plongé dans un mal sans recours, lui qui jamais
(84)
n’aurait pensé n’en point franchir les vagues -
mais la prospérité de sa longue existence
heurte l’écueil de la JUSTICE : il a péri
sans qu’on le pleure, anéanti. »

QUATRIEME EPISODE


Athènes. L’Aéropage.

Entrent Athéna, Oreste, un héraut, et les juges.


Athéna invite le héraut à annoncer à la foule le début du Conseil et à demander le silence «  afin que ce procès soit tranché selon la JUSTICE ».

Entre Apollon.


Le coryphée demande à Apollon en quoi il est concerné par ce procès. Apollon répond qu’il est venu plaider sa cause (il est responsable de la mort de Clytemnestre) et celle de son suppliant. Il demande à Athéna d’ouvrir le procès. (85) Athéna déclare les débats ouverts et donne la parole à l’accusation selon les règles du droit athénien.
Le coryphée promet d’être bref et demande d’abord à Oreste de confirmer s’il a tué sa mère (1ère reprise) puis de dire comment il l’a tuée (il la égorgée de sa main). Le coryphée demande ensuite qui l’en avait persuadé. Oreste désigne Apollon dont il dégage la responsabilité (86) « Mais si le verdict te saisit, tu tiendras un autre langage. » dit le coryphée. Oreste compte sur son père qui le soutient depuis sa tombe. « Compte sur des cadavres, tueur de mère » réplique le coryphée. Oreste explique qu’elle était deux fois souillée par le meurtre de son époux et de son père. Le coryphée lui fait remarquer qu’il est encore vivant alors que sa mère est morte. Oreste veut savoir pourquoi le coryphée n’a pas traqué sa mère de son vivant. « Elle n’était pas du même sang que sa victime » [cf. p. 70]. Oreste demande à Apollon d’intervenir en sa faveur et de dire si l’acte était juste.
« Maintenant témoigne pour moi – dicte-moi,
Apollon, si mon meurtre était juste
car je ne nie pas le fait ;
mais paraît-il juste à ta pensée ou non ?
A toi de trancher sur ce sang, afin que je le fasse voir. »
(87)
Apollon confirme qu’il est juste car il rend ses oracles sous l’autorité de Zeus.
« Je veux le dire devant vous, puissant tribunal d’Athéna :
ce fut JUSTICE. Je suis prophète et ne tromperai point :
jamais sur mon trône je n’ai rendu d’oracle
sur un homme, sur une femme, sur une cité,
qui ne fût ordonné par Zeus, père des Olympiens.
D’après ces mots, songez quelle force a cette JUSTICE
et rangez-vous à la volonté paternelle,
car nul serment ne l’emporte sur Zeus. »

Le coryphée veut savoir si l’oracle qui a poussé Oreste à tuer sa mère est venu de Zeus.
Apollon veut raconter la mort d’Agamemnon qui tenait son sceptre royal de Zeus (88) pour que les juges puissent décider de l’issue du procès. Clytemnestre a tué le vénérable commandant de la flotte grecque dans son bain alors qu’il était piégé dans un voile.
« Quant à elle, je l’ai décrite pour mordre le cœur du peuple
chargé de rendre en cette affaire la JUSTICE. »
Le coryphée s’étonne que Zeus prenne le parti du père, lui qui entrava son propre père Kronos [qu’il avait enfermé dans le Tartare au fond des Enfers].
Apollon répond en disant que l’on peut toujours se défaire d’un lien mais que la mort est irrémédiable. Contre elle, même Zeus ne peut rien (89).
Le coryphée n’est pas convaincu par ce plaidoyer en faveur d’Oreste. Comment un tel assassin pourra-t-il revenir vivre normalement à Argos ?
Pour Apollon, c’est le père qui peut légitimement parler de « son enfant » plutôt que la mère. Il en donne pour preuve Athéna qui est née directement de Zeus sans mère [Athéna est ne toute armée de la tête de Zeus]. Apollon qui veut contribuer à la grandeur d’Athènes a destiné ce suppliant à Athéna pour travailler au rapprochement des deux cités [Argos et Athènes] (90).
Fin des débats : Athéna demande aux juges de voter.
« Puis- je engager les juges à voter selon leur conscience
et la JUSTICE puisque l’affaire est débattue ? »
Apollon attend le verdict et Athéna s’inquiète des griefs des Erinyes. Pour l’heure, elles demandent aux juges de respecter leur serment. Puis vient le discours inaugural d’Athéna qui institue ce conseil des
juges sur cette colline de l’Aéropage (91). Ce tribunal garantira la justice aux citoyens à condition qu’on n’en corrompe pas le fonctionnement par des lois nouvelles et il sera le meilleur rempart pour la ville :
« … c’est là que le respect
et la crainte sa sœur garantiront de l’INJUSTICE
les citoyens, de jour comme de nuit,
du moins s’ils n’introduisent pas eux-mêmes des lois nouvelles […]
Ni anarchie ni despotisme –
mon conseil, que les citoyens l’observent et le respectent
en veillant à ne pas chasser toute crainte de la cité :
car quel mortel, s’il ne craint rien, restera juste ?
Oui, révérez avec JUSTICE un si redoutable respect,
et salutaire au pays comme à la cité vous tiendrez un rempart
tel que nul peuple n’en possède
ni chez les Scythes, ni sur les terres de Pélops ;
cet incorruptible Conseil
veillant sur la ville qui dort, vénérable et sévère
sentinelle que j’institue ici.
Tels sont les longs avis que j’ai donnés
aux hommes de ma cité pour l’avenir. Maintenant
levez-vous
et portez vos suffrages afin de trancher le procès
en observant votre serment. J’ai dit »
[Dès la fin de la harangue d’Athéna, les jurés se lèvent et déposent l’un après l’autre leur jeton de vote dans l’urne, tandis que l’Erinye et apollon tentent une dernière fois d’influencer leur choix]
Le coryphée ne veut pas être privé d’honneurs et Apollon ne veut pas qu’on détruise ses oracles. (92). Le coryphée lui dit qu’il vaut mieux qu’il ne se mêle pas des affaires de sang s’il veut rendre de bons oracles. Le dieu rappelle l’histoire d’Ixion. Le coryphée menace :
« … si je n’obtiens pas JUSTICE,
Je reviendrai faire sentir mon poids sur cette terre. »
Apollon est sûr de sa victoire et souligne qu’aucun dieu n’honore les Erinyes. Le coryphée parle de l’histoire de Phérès où Apollon a persuadé les déesses du destin des rendre immortels des mortels. « N’est-il pas juste de secourir qui vous respecte, et plus que tout quand il en a besoin ? » répond Apollon. La querelle continue, l’un accusant l’autre d’avoir brisé l’antique partage, l’autre accusant l’un de faire du chantage à la rétorsion en cas d’échec au procès. Le coryphée l’accuse d’impatience.
Athéna déclare alors qu’elle vote pour Oreste (93) en se mettant du côté des hommes, rappelant qu’en cas d’égalité des voix, Oreste l’emportera. Elle demande aux juges de dépouiller les votes. La tension monte chez Oreste et le coryphée qui redoutent l’issue de ce procès. Apollon demande aux juges de ne pas se tromper dans le décompte :
« Etrangers, comptez avec soin les suffrages tombés,
gardez-vous de toute INJUSTICE en les triant.
une voix qui manque engendre un grand malheur
et un seul vote relève une maison. »
Athéna donne son verdict : Oreste est acquitté.
« Cet homme a échappé à la JUSTICE de sang :
les deux parties ont obtenu autant de voix. »
Oreste remercie Athéna (94), Apollon et Zeus qui l’a préservé des « justicières » de sa mère. Il va rentrer chez lui et jure que nul guerrier argien ne lèvera les armes sur un Athénien. Il prend congé d’Athéna et des habitants d’Athènes.

Il sort.


EPIRRHEME


Strophe 1 : Le chœur des Erinyes, dans un cri de douleur, se plaint que les jeunes dieux aient bafoué (95) les lois anciennes et provoqué leur déshonneur. Il promet d’accabler la cité :
« le venin de mon cœur […] fera naître une lèpre tuant ses fruits, tuant ses fils, JUSTICE, ô JUSTICE »
Athéna veut les persuader de renoncer à leur plainte. Le verdict ne les déshonore pas. Zeus a pesé de tout son poids dans cette décision. Elle leur demande de ne pas se venger et leur promet d’être bien accueillies en son pays :
« ne vous irritez pas, ne rendez pas stérile
ma terre en distillant votre esprit de vengeance,
votre écume sauvage et dévoreuse des semences –
car je vous promets en toute JUSTICE
un séjour équitable, un gîte en mon pays
(97)
et vos trônes luiront près du foyer
où mes citoyens vous rendront les honneurs. »
Antistrophe 1 : Le chœur reprend sa plainte de la strophe
1. Athéna réitère son message. Elles ne sont pas déshonorées et pour qu’elles renoncent à leurs imprécations contre son sol (97), Athéna les invite à venir vivre à ses côtés en leur promettant les prémices des récoltes et les offrandes des naissances et des noces.
Strophe 2 : Le chœur des Erinyes persiste dans sa rancœur contre les dieux. Comprenant leur colère, Athéna leur redit de bien y réfléchir. Athènes deviendra une grande cité et elles ne connaîtront nulle part ailleurs de tels honneurs que ceux qui les attendent (98). Elle lui redemande de ne pas ravager son pays.
« Tel est le choix que je t’offre :
bienfaisante, bien traitée, bien honorée,
avoir ta part de ce pays chéri des dieux. »
Antistrophe 2 : Le coryphée n’entend pas céder (reprise de la strophe 2). Athéna continue de plaider pour qu’il ne soit pas dit qu’on leur ait enlevé les honneurs (99). Il serait injuste dès lors qu’elles continuent à s’acharner sur cette terre.
« tu serais trop injuste de faire peser sur ma ville
ou mon peuple une furieuse et néfaste rancune,
toi qui peux recevoir une part de ma terre
et de justes honneurs sans fin. »
Abandonnant son ton intransigeant, le coryphée commence à s’enquérir de ces nouveaux privilèges : comment sera sa résidence ? Quels honneurs l’attendent ? Athéna appuiera-t-elle une telle puissance ? La garantira –t- elle à tout jamais ? Athéna lui donne toutes les assurances. Le coryphée cède : « Ton charme semble opérer – je quitte ma colère » et propose de chanter un hymne pour son pays (100). Ce sera un chant pour la prospérité de ce pays à la gloire de « la race des justes ».

EPIRRHEME


Strophe 1 : Le chœur veut maintenant se consacrer à la prospérité de cette terre aux côtés d’Athéna qui consacre le nouveau pouvoir des bienveillantes qui présideront aux affaires des hommes. (101)
Antistrophe 1 : Le chœur prie pour que la terre prospère alors qu’Athéna célèbre le pouvoir immense de la souveraine Erinye.
Strophe 2 : Les Bienveillantes renonceront désormais à leur vengeance et demandent aux Moires, déesses du destin, …
« divinités dispensatrices d’équité (102)
prenant part à tous les foyers,
qui en tout temps faites sentir
le poids de vos justes présences,
hautement honorées parmi les dieux »
… d’accorder aux femmes de vivre tranquillement auprès de leurs maris. Athéna se réjouit de les avoir convaincues.
Antistrophe 2 : Le chœur prie pour que la cité soit protégée du malheur. Athéna se réjouit de ces paroles et rend hommage à ces Bienveillantes :
« … bienveillance pour bienveillance,
rendez-leur d’éternels honneurs :
guidant la terre et la cité sur la droite voie de la JUSTICE,
à tous égards vous vous distinguerez. »
(103)
Strophe 3 : Le chœur s’en va en bénissant les citoyens d’Athènes. Athéna va leur ouvrir la voie pour leur montrer leur séjour et invite les Aréopagites à accompagner leur cortège.
Antistrophe 3 : Le chœur leur dit adieu et répète que s’ils respectent leur droit de séjour, ils n’auront plus rien à craindre des hasards de la vie (104). Athéna accepte leur message. Elle va les conduire dans leur « domaine d’en bas ».

EXODOS


Strophe 1 : Le cortège des servantes les invite à les suivre…
Antistrophe 1 : … vers l’antre souterrain où leurs antiques honneurs les attendent.
Strophe 2 : Qu’elles suivent leur chemin et qu’elles hurlent de joie sur leur chant… (105)
Antistrophe 2 :… pour que la paix et le bonheur règne sur Athènes avec l’accord de Zeus et de la déesse du destin. (106)


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