CROCODILES DE COCODY

Depuis la proclamation des résultats des élections présidentielles le 2 décembre, la Côte d’Ivoire se retrouve avec deux présidents : Alassane Ouattara déclaré vainqueur par la Commission électorale indépendante avec 54,1% des voix et Laurent Gbagbo désigné élu par le Dr. Paul Yao N’Dré (un proche de Gbagbo), le Président du Conseil constitutionnel, avec 51,45% des voix. L’ex-premier ministre de Félix Houphouët-Boigny de 1990 à 1993 et ex-directeur général adjoint du FMI a reçu le soutien du premier ministre démissionnaire Guillaume Soro qu’il a immédiatement renommé à son poste à l’issue de sa passation de serment en qualité de « Président de la République de Côte d’Ivoire » le 4 décembre. Le même jour, Laurent Gbagbo adoubé par le général Philippe Mangou, commandant de l’armée, prêtait serment lui aussi à Abidjan en présence des seuls représentants de l’Angola, du Liban et de l’Afrique du Sud et nommait Gilbert N’Go Aké au poste de Premier ministre. Malgré le soutien unilatéral de l’ONU, de la Communauté européenne, de la CEDEAO, de la France, des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne à Alassane Ouattara, Laurent Gbagbo s’accroche pourtant au pouvoir, refusant par exemple de suivre l’exemple d’Abou Diouf qui avait accepté démocratiquement sa défaite en 2000 face à Abdoulaye Wade. Pour le moment, c’est plutôt le spectre du Kenya (Mwai Kibaki vs Raila Odinga) et du Zimbabwe (Robert Mugabe vs Morgan Tsvangirai) qui se profile. Les heurts violents ont déjà fait plus de vingt morts. Arrivé à Abidjan le 5 décembre, l’ancien président sud-africain Thabo Mbeki s’est lancé dans une délicate entreprise de médiation. Au pays des éléphants, les crocodiles n’ont pas fini de s’entredévorer dans le marigot des beaux quartiers de Cocody.