Le Cas’Nard

Journal de Bernard Martial

© Bernard MARTIAL – août 2014


LES ÂMES FORTES (Résumé et citations) de Jean Giono

jeudi 12 août 2010, par Bernard MARTIAL

Toutes les versions de cet article :

  • français

Voir aussi POT ETHIQUE A LENTS TICS (Références et documents sur le thème).

Résumé et recueil de citations établis par Bernard Martial (professeur de lettres en CPGE)

(Références : édition Folio n°249)

Les éléments donnés entre […] sont des extrapolations du texte.

Prologue : veillée funèbre. (7-53)


Trois vieilles femmes veillent un défunt : Albert (7). Parmi elles, Thérèse, 89 ans née deux ans après le grand incendie dont témoigne la croix à l’entrée du village. Joséphine et Madame Burle sont venues à 5h pour prier le corps (8). Le mort était déjà raide quand il a fallu l’habiller. Un souvenir : pendant la nuit de veillée funèbre de M. Charmasson, l’ancienne maire de Percy, le sous-préfet, M. Pierre, un juge de Grenoble, Joseph le cocher et le père Arnaud, le garde-chasse étaient tellement ivres qu’ils ont failli périr dans un incendie provoqué par un cierge. La veuve du maire qui avait quarante ans de moins que lui ne s’en est pas rendu compte (9-10). La femme d’Albert dort. Elles parlent du grand incendie [de 1858] qui a fait neuf morts (11) puis, en buvant leur café, de l’épicerie de Prébois, de la Marie, (12) des Bertrand qui se sont saignés aux quatre veines pour que leur fils fasse des études et de celui-ci qui est parti en Algérie où il s’est marié (13), de l’invalide de 1870 qui tenait l’épicerie qui brûlait son café devant sa porte et leur a donné le goût des harengs (14), de Blaise l’Antéchrist arrêté un jour sur les terres du château et conduit devant M. Charmasson (15). Thérèse évoque la tante [Junie] d’une des commères : elle était lingère au château de Percy quand elle travaillait elle-même aux cuisines (16-17). Elles ne se voyaient qu’au moment des fêtes. M. Chamasson, 65 ans, battait sa femme de 24 ans (17) qui avait une aventure avec le sous-préfet. Les coups qu’elles ont reçus, elles aussi (18). Albert battait aussi la sienne. « Chez soi on supporte, mais sur la place publique ! » (19). Les anecdotes suivantes présentent des conflits familiaux : une des femmes explique qu’elle achetait de la lingerie pour sa fille Julie en cachette de son mari Louis et que celui-ci le lui reprochait : « Quand on veut faire LE MAL, ce n’est pas une culotte ou une robe qui vous le fait faire, ou qui vous en empêche » (20) ; une autre raconte que le sien, au contraire, voulait que sa fille soit bien mise mais refusait que sa femme donne quoi que ce soit à sa mère puis elle parle de son oncle maternel (21) – la dernière fois qu’il est venu, il a failli se battre avec son mari Emile au sujet des ruches (22), une autre fois, il a fait la fête pendant huit jours chez la Fangette avec le Joseph (il se sont fait avoir tous les deux par Pical). Thérèse se souvient de lui quand il était facteur (23) ; à cause de son ivresse, il a perdu sa place, il s’est reconverti en achetant des coupes de bois (24). Quand il était saoul, il parlait avec sa sœur Mélanie de leur mère et de leur père, premier trombone à la Garde Impériale (25), de l’instrument relique (26) dont il se mettait alors à jouer.

Les commères réalisent qu’elles veillent un mort : si on faisait un trou dans le pré pour mettre Albert, le monde ne s’arrêterait pas de tourner. Quand même, il faut un prêtre, on n’est pas des chiens (27). Une des commères fait remarquer à Thérèse qu’elle est pleine de vie ; « Et pourquoi pas ? J’ai eu trois fils, je les ai perdus. Mon mari aussi. Mes belles filles ? Une est d’ici, une est de là. Mes petits-enfants ? Une lettre au jour de l’An : « Ma chère mémé. ». Un point c’est tout. Et après ? C’est la vie. » (28). Il est 11h, elles mangent des caillettes sur du pain rôti, boivent du café et du vin blanc (Berthe va chercher une bouteille sous l’escalier) (29-30). Les cierges sont consumés (31). Peut-on allumer la lumière dans la chambre d’un mort ? (32). Finalement, elles trouvent des cierges et s’installent pour manger. L’une d’elles est répugnée à la vue des caillettes « Qu’est-ce que tu y trouves de MAL ? » (33). Scrupules et chamailleries : on mange les caillettes et on boit le vin d’Albert, ça ne se fait pas ! A chaque fois qu’il y a un mort, on mange. Mais de là à s’attabler ! (34). Ce n’est pas la mort d’Albert qui l’empêche de manger « c’est ce machin blanc » dans le pot de caillettes. Elles en viennent à parler du gros blond à qui Albert a vendu ses trente-deux cochons, il y a trois semaines. (35) Il fait son beurre. A propos de beurre, l’une des commères devait en envoyer à sa sœur (pour sa fille et son mari Léon, conducteur de tramway), elle aurait bien voulu car on a toujours besoin de la famille mais elle n’en avait pas alors elle est allée chez Piedgros qui lui a dit qu’il venait de le vendre (36) au gros blond. Elle l’a rattrapé à Miraillet et lui a demandé 800 F le kilo (37). Il a fait pareil avec Juliette une riche veuve qui vivait dans une ferme isolée. Il y a trois mois, l’une des commères qui était allée acheter du baume pour son mari Ernest, l’a vue sortir hébétée de chez M. Vernoul, le notaire. Elle n’avait plus de dents mais beaucoup de biens (38) et il était toujours chez elle. Le gros blond était garçon boucher, il a connu sa femme dans un hôtel de Monetier où elle était serveuse (39, ils se sont associés. A chaque fois, le gros blond est arrivé opportunément : le lendemain du jour où le docteur a dit qu’Albert était perdu, deux heures après la mort de Bertrand, pareil pour Giraud. (40) Une heure après la mort du père Bertrand, il a fait affaire avec sa fille en la payant de la main à la main. Pour Giraud, il était là le lendemain de son opération à lui donner des conseils (41). Albert a traîné cinq à six mois ; le gros blond passait le voir mais à sa mort ses cochons sont montés dans la camionnette (42). L’une des femmes évoque la succession de son beau-père à Albaron (42). C’est son beau-frère qui a eu l’essentiel. Pourtant, pendant l’année et demie de la maladie du vieux, elle a poussé son mari à aller une fois par semaine à Albaron (54km). L’aîné de sept ans qui habitait à 2,5 km y allait beaucoup moins souvent (43) Elle aurait voulu la vigne, la grangette. Alors au moment du partage, elle a reproché à son beau-frère d’avoir posté une lettre sans la timbrer, l’attitude de sa fille qui n’a pas tenu compte de ses conseils, de ne pas avoir rendu une veste (44) et une ceinture de flanelle qu’ils lui avaient prêtées. Puis tout y est passé : l’affaire des billets de 5.000, celle du baptême de son petit-fils, le coup de la foire de Saint-Michel et de la bouteille de bière pour la fête, de la montre et de la grosse corde disparue (45). Finalement, c’est le notaire qui a pris. [Rose,] l’autre commère l’approuve et explique que, elle, c’est avec Marie, sa sœur cadette qu’elle a eu des problèmes. Elle est arrivée le 24 août, le lendemain de l’attaque de leur mère dans l’espoir d’avoir quelque chose (46). Rose raconte leurs chamailleries autour du lit de la malade en présence du Docteur Sandonna (47-48) ; même son mari Charles n’a pas eu droit à la parole (49). Tout ça pour avoir deux cuillères à café de plus (qu’elle avait mis dans sa poche). Elle aussi en veut au notaire du partage. Si elle avait pu, elle aurait scié tous les meubles en deux (50). Quand les lots ont été tirés au sort, les deux sœurs ont été mécontentes (51). Thérèse semble indifférente à ces discussions d’héritage ; elle n’aime aucune de ses belles-filles et se lasse vite de ses petits-enfants (52). Les autres femmes s’étonnent de son attitude.

Premier récit de Thérèse : l’arrivée avec Firmin à Châtillon (53- 82).


- Le récit de Thérèse (53-69) :
Thérèse parle de sa vie. Elle se marie avec Firmin en 1882 sans l’accord de ses parents (53). Elle a alors 22 ans, travaille aux cuisines du château de Percy et Firmin en a 25. Il est orphelin et vaguement maréchal-ferrant, ou plutôt il tient les pieds des chevaux. Pour qu’elle apprenne à travailler, ses parents l’ont placée au château (54). Un jour, ses frères vont menacer Firmin pour qu’il renonce à fréquenter Thérèse « Le pauvre ! Il n’aurait pas fait de MAL à une mouche et ce n’était pas lui qui m’avait cherchée. ». Lui n’a que 13 F et elle, une montre et une chaîne en fer et peu de linge. La fugue est programmée pour le mardi (55) La porte de derrière est fermée à clé tous les soirs par l’intendante (56). Le mardi soir, Firmin retarde le projet au lendemain car son patron ne l’a pas payé (57). Le lendemain, en effet, elle s’enfuit de la maison en passant par la fenêtre de la lingerie (58) et le toit de la serre.

Une minute après, ils courent dans les champs. En cette fin du mois de mai, il y a encore des gens dans les chemins à cette heure. Ils vont jusqu’au Moulin-Baron (59). Firmin n’a pas pu récupérer son argent que lui devait son patron. Ils doivent aller à Châtillon où Firmin a trouvé une place mais ils n’ont pas assez d’argent pour faire la totalité du voyage dans la voiture publique. Ils feront donc les 25km de la Grange à Lus à pieds (60). Vers les 2h du matin, la voiture les dépasse (61), vers 4h, ils franchissent le col et arrivent à Lus à 7h où Thérèse prend un café (62). Ils achètent pour six sous de lard et de pain et prennent la voiture pour Châtillon. Elle imagine l’émoi suscité par leur fuite (63). Pour détourner les recherches, Firmin a parlé de projets à Montmeyan. Après le passage du col dominant le Diois, Thérèse s’endort. L’une des femmes dit qu’elle connaissait une partie de cette histoire par sa tante. Thérèse poursuit. (64). Elle se réveille à Châtillon. Tout de suite, ils vont voir Gourgeon le maréchal-ferrant qui doit engager Firmin.

Thérèse décrit la « maréchalerie magnifique » de Gourgeon et présente Châtillon comme « un grand centre de roulage » (vins, bois, malle de Valence). Gourgeon leur fait bonne impression (65). Firmin se présente comme « compagnon passant dévorant du devoir » et le prouve. Après l’avoir embauché, Gourgeon les invite à manger. (66). Thérèse reproche à Firmin d’aller trop vite et de la faire passer pour sa femme. Firmin la rassure : les compagnons se doivent assister (Gourgeon a pour surnom Dauphiné l’appui du devoir (67) et Firmin Joli cœur). La maison propre et bien tenue, la femme et les enfants de Gourgeon rassurent Thérèse (68). Elle apprend qu’il leur faut « des sommations respectueuses » pour se marier. Une des commères veut parler de leur nuit mais Thérèse revient à des préoccupations plus matérielles : ils n’ont que 30 sous par jour, ils en paient 10 à l’auberge et doivent se monter en tout. Ils en pleurent tous les deux (69).

- Première contradiction (70-75) :
Une des veilleuses l’interrompt et dit qu’elle connaît l’histoire par sa tante Junie (qui aimait les rubans et fréquentait les dames). D’après elle, Charles, le frère de Thérèse les a rattrapés à Lus deux jours après leur départ. Ils étaient en plein réveillon (70) avec une bande de marchands de porcs, avec Marie la serveuse et la célèbre Félicie. Thérèse ne la contredit pas : « Ce serait donc là qu’il y avait une salle toute rouge. Avec des boiseries, une lampe en cuivre ? ». Charles a raconté qu’ils avaient bu pour 20 F. Perrimond, un gros noir qui avait l’entreprise des chevaux de renfort a empêché Charles de taper sur sa sœur (71) en lui expliquant qu’il était arrivé 48h trop tard. Selon Charles, il s’est contenté de donner une gifle à Thérèse et de secouer un peu Firmin avant de les mettre dans la voiture de Châtillon. D’après la tante Junie, il ne les a pas fait partir ; il s’est saoulé avec tout le monde. « Je ne sais pas, moi, c’est bien possible » dit Thérèse qui demande des précisions sur les lieux (72). Son interlocutrice qui a vingt ans de moins qu’elle n’en sait rien ; quand le chemin de fer a été construit, l’auberge a été transformée en maison des ingénieurs et en bureaux. (73). Par contre, elle a entendu parler d’histoires que Firmin aurait eues avec une fille de Prébois (qui aura une fille) et avec une veuve riche, de bagarres. « Ca se peut bien, mais moi, ce qu’il a fait avant, comment veux-tu que je le sache ? Et qu’est-ce que tu veux que ça me fasse ? » répond Thérèse. La commère parle alors de la réputation de Thérèse : le fils Marceau ou Battentié avec qui elle failli se marier (74) Comme disait sa tante : « Thérèse, c’est une brave fille. Il n’y a que les hommes. Ca, il ne faut pas lui en laisser à côté. Vous pouvez laisser de l’argent, ou du vin, ou des gâteaux, ou des mouchoirs brodés, ou des parfums, ou tout ce que vous voulez qui d’habitude vous tentent. Eh bien ! elle, non ; Elle ne les regarde même pas, mais, si vous avez un ramoneur, ou n’importe quoi qui porte un pantalon, tenez-le loin, sans quoi c’est vite fait. ». « Ce n’est pas impossible qu’elle ait dit ça, ta tante » dit Thérèse tranquillement. La troisième commère veut que sa voisine laisse Thérèse continuer son récit.

- Reprise du récit de Thérèse (75- 79) :
Thérèse trouve une place dans la grande auberge de Châtillon : dix écuries mal éclairées (75) où elle a peur de descendre à cause des hommes qui essaient de la toucher dans l’obscurité, un hall avec quatorze filles et garçons pour servir la clientèle. (76). Elle décrit le ballet des voitures et son emploi du temps (lever à 4h et préparatifs pour les courriers de Lus, de Baurrière, de Valence, de Die à 5h ; les postillons de Baurrière, de Die et de Lus (77) – à cette époque un grand, lent, presque muet « faites-moi penser de vous en reparler »- ; à 6h, arrivée de la grande voiture de Valence et branle-bas pour accueillir les voyageurs : les exigences des clients. (78).

- Nouvelle contradiction (79- 82) :
Une des commères l’interrompt pour savoir quand tout ça est arrivé. Dès notre venue à Châtillon, précise Thérèse, on leur a fourni une chambre dans les combles et il y avait de quoi manger en cuisine. (79) La commère veut savoir quand les dames de Sion se sont occupées d’elle. Elle explique que sa famille était apparentée à des tanneurs de Die qui avaient 80 ouvriers et s’occupaient de bonnes œuvres. Ils venaient passer l’été près de Saint-Vable et passaient chez eux (80). Un jour, la femme du tanneur parle à la mère et à la tante de la commère de Thérèse qui est dans « une triste situation ». Elle n’est pas mariée et vit avec un « coureur, buveur et même joueur » qui gagne à peine dix sous par jour chez un patron peu recommandable à qui les Messageries ont retiré leur clientèle (81). La dame patronnesse ajoute que Thérèse est enceinte et qu’ils logent dans une petite cabane où ils n’ont rien, qu’elle va s’occuper de les marier. Ce récit a marqué sa tante et il n’y avait aucune raison de ne pas croire cette dame.

Premier récit de Thérèse sur la ruine des Numance (82- 120) :


« Oui, oui, je vois qui tu veux dire. Il y a eu, en effet, quelque chose de ce genre ». Thérèse continue son récit sans se troubler. Comme il fait froid dans leur chambre, Thérèse conseille à Firmin de l’attendre dans le vestibule en lui donnant une pomme ou des figues (82). Il gagne 25 sous, elle 20 ; nourris, logés avec les pourboires « on pouvait tout se permettre ». Progressivement, Firmin va dans la salle de consommation. Description des huit salles dans cette auberge (83) avec un couloir pour accéder à six salons et au bout la cuisine (84), puis encore un couloir pour accéder aux salles de billard pour les habitués, le notaire et les riches marchands de bois, notamment M. Numance qui demande toujours à Thérèse si elle n’a besoin de rien. (85) Digression des commères sur le nom de Numance (de Lachau ou de la Voulte). A cette époque, les Numance sont reçus partout (86). Sa femme, une demoiselle Rodolphe des marchands de drap d’Avignon a 28-30 ans. Elle est maigre avec des yeux de loup, toujours habillée avec des amazones et un petit chapeau à plumes et ne dit jamais un mot. Un jour, on apprend qu’elle a fait des dettes à son mari. Un homme de Valence réclame 20.000F ? Les spéculations commencent. Thérèse qui a servi l’huissier au café va chez les Numance qui habitent la villa Le Châtelet sur la route de Lus. Il y a déjà des curieux à la grille. Elle monte dans un pré d’où elle peut voir le bureau de Numance. « Ca va MAL ! » lui dit Paul le cantonnier. Pendant que M. Numance discute avec l’homme de Valence dans son bureau, Madame Numance monte dans sa chambre, elle se met à sa fenêtre (90) et rit. Thérèse se sauve. A partir de ce jour-là, à l’auberge, chaque soir (91) M. Numance s’installe dans la troisième salle de billard où l’on n’allait jamais ; il y remet de l’ordre (92). Il a réparé le billard. Thérèse propose alors à Firmin d’aller lui tenir compagnie (93) Ce qu’il fait. On croit que Mme Numance n’osera plus se montrer (94) mais elle reprend ses promenades. Un matin à 5h, M. Numance arrive en tenue de voyage (95) et demande à Benoît, le postillon de Lus s’ils pourront passer avec ce temps. S’il va à Lus, c’est qu’il a rendez-vous avec Reveillard qui fait l’escompte (96). Considérations sur le café à faire. Avant l’affaire, M. Numance avait un cheval que Firmin a vendu à M. Carluque le tanneur sur commission de M. Numance (97). Cela ne devait pas arranger les relations entre Mme Numance qui adorait cet animal et Mme Carluque, la dame patronnesse (98). Mme Carluque fait de la provocation en s’affichant ostensiblement avec le trotteur (notamment devant le curé – Mme Numance est protestante). Sans se démonter, Mme Numance va caresser le cheval et laisse son mouchoir parfumé dans sa muserolle (99). Vexée, Mme Carluque veut lui donner un coup de fouet et frappe le cheval qui s’emballe. Paul le cantonnier qui a arrêté le cheval montre le mouchoir en dentelles parfumé à la violette que Mme Carluque a refusé (100). Mme Numance reprend ses promenades et rachète des mouchoirs chez Mademoiselle Pelloutier. Les Carluque ne sont pas prêts à encaisser une telle avanie. (Histoire de Mme Carluque : à 15-16 ans Marie Baron fait le ménage et des lessives. Elle se marie avec M. Carluque dont les affaires prospèrent (avec peut-être un peu de corruption. Mme Carluque « ne faisait plus ni lessive ni ménage mais elle était tombée d’un MAL dans un pire : cette fois c’est le mariage qui la faisait grossir ». Son mari, très maigre, se complet à chercher la petite bête. « Quand les choses allaient franchement BIEN, il dépérissait, jusqu’à ce que les choses recommencent à aller MAL ou à boiter, ou à avoir besoin de combinaisons. Alors, il était méconnaissable. L’image de la santé. ») Tout le monde parle de la visite de M. Numance à Lus. On spécule sur ses biens et on finit par dire que s’il s’adresse malgré tout à Reveillard c’est qu’il n’a pas « la conscience tranquille » (du Carluque tout pur). Depuis le coup du mouchoir, M. Carluque s’est beaucoup montré. Dans les premiers jours du printemps, il donne même une petite fête pour ses ouvriers (103). Après un beau discours, sa femme arrive (104). Les rumeurs vont bon train sur l’entrevue entre M. Numance et Reveillard (il aurait refusé de mettre un sou dans son entreprise et l’autre l’aurait supplié à genoux. La somme passe de 20.000 à 100.000. On prête une aventure à Mme Numance : un duc désargenté venant de Tourettes. Tous les jours, il vient la voir en changeant six fois de chevaux dans six relais qu’ils ont achetés. Ou alors, elle lui donne de l’argent parce qu’il est pauvre (106). Ou alors c’est un chef de bande qui la rançonne. Chaque après-midi, pourtant, elle fait sa promenade sur les coteaux de Lus sans se cacher. Pas l’ombre d’un duc ou d’un chef de bande (107). Pourtant, on n’en démord pas. Après avoir imaginé, on raisonne. Pourquoi est-elle toujours bien mise dans un village où l’on se crotte à chaque rue ? (108) Mmes Carluque, Barlut, Soullet et Sautel s’habillent normalement. Pourquoi Mme Numance ne fait-elle pas comme eux ? (109) Puis, on se focalise sur l’idée que le duc pouvait venir par les voitures publiques (110).Tout le monde demande des nouvelles à Thérèse qui est la mieux placée (111). Elle se met à surveiller les voyageurs (MM. Anatole et Robert, un sergent ; le courrier de Valence, la malle d’Italie, le petit tambour (112) ; rien d’extraordinaire (113) ; elle suspecte les « tristes » mais ce ne sont que des voyageurs qui ont froid ou mal au cœur, ceux qui s’enroulent dans une cape (114). L’entreprise Numance va mal. Mais Thérèse a beau surveiller, elle ne voit rien (115). Quand Mme Numance se promène, tout le monde l’épie. Thérèse pense à La Bricole, le courrier d’Italie (116). Sans plus de succès. Un soir, elle trouve Firmin dans le vestibule : M. Numance est reparti, inquiet. « Il n’y avait aucune raison pour que Firmin attrape du MAL ». Elle l’envoie se coucher et repart dans la grande salle à manger pour « faire » les couteaux avec Charlotte. A 11h, la porte s’ouvre. Elle est persuadé que « c’est lui ! » (117) Forcément ! D’ailleurs, comment pourrait-il savoir qu’on appelle la voiture La Bricole ? (118) Sur le registre, il écrit Boris. C’est un cosaque qui vient de Milan mais pour Thérèse, ça ne signifie rien. Thérèse va se coucher en récapitulant tous les indices (119). « Je commence à croire que nous nous sommes tous trompés : qu’il ne s’agit pas du tout d’amour ; qu’on a raison cependant quand on dit : « Cent mille ! » Moi, voyez-vous, ce soir-là je disais même plus et je n’étais pas loin de la vérité. Je suis plus futée que ce qu’on croit ».

La version du « Contre » (Berthe) (120-272)


Rampal (120-144)
La commère reproche à Thérèse de ne pas parler de l’essentiel, de Firmin, d’elle-même et de leur enfant (120) et de Clostre. « Mais nous n’y sommes pas encore à Clostre ! Laisse-moi donc encore un peu dans cette auberge » dit Thérèse. La commère évoque ces autres couches à Clostre, un petit bastringue qu’elle a ouvert là-bas, le postillon Casimir (et non Benoît) qui s’arrêtait souvent à Clostre entre Châtillon et Lus, le tilleul, le mur (121) – aujourd’hui c’est un car conduit par Auguste qui fait le service- avec l’inscription « on loge à pied et à cheval ». C’est là que Thérèse a eu son deuxième et son troisième enfant –aujourd’hui une maison banale où habite une famille ; ils l’ont achetée aux Bousquet qui habitent à Marseille-. (122). Elle propose à Thérèse de remonter jusqu’à 1904 (un ou deux ans avant le mariage du Contre). Thérèse a 44 ans. Les rails du chemin de fer sont déjà posées jusqu’à Lus et les travaux continuent. Rampal, dit « Cartouche », d’abord installé à Vif (100 km) où il possède une organisation pour le goudronnage et la créosote ouvre une antenne à Monetier (50km) (123) pour limiter les transports. Ce Cartouche, un bel homme à moustaches, un homme d’affaires qui fait tout, parlant avec les ouvriers et négociant avec les gros bonnets. Il a obtenu le percement des trois tunnels, la gestion du ballast, du gravillon, la construction des gares et de tous les bâtiments ferroviaires (125). A cette époque, rien ne se faisait sans « arrosage ». Il fallait donc une auberge. (126) Mais à force de boire, Rampal commençait à défaillir. Six mois avant cette époque (127), il était venu de Monetier. La commère et son mari, alors jeunes mariés, l’ont rencontré et ont espéré faire des affaires avec lui. Mais il a poussé plus haut en direction du col et il a planté son bâton à 4km de Clostre. En quelques semaines, la ville sort de terre et atteint 2.000 habitants (pour 430 où ils sont et 8 à Clostre en comptant Firmin, Thérèse et leurs trois enfants). (129). Intense circulation des charrois, fardiers, tombereaux et voitures légères. Au bout de la grand-rue Tivoli, la maison de Cartouche. Le village s’appelle le village nègre. Depuis, beaucoup de commerçants sont venus s’installer. Tous ceux qui suivent Cartouche font leur beurre. (130). Description de la cantine : pas l’ombre d’un couloir, d’une plante verte, une petite salle avec un billard cassé (131), un salon destiné aux messieurs. La cantine appartient à Cartouche ; le mari et la femme ne sont que des gérants ; les bonnes changent souvent. Le courrier de Châtillon à Lus s’arrête là, conduit par Casimir. Il n’y a jamais de voyageur. Sauf un, une fois : Firmin. (132) Il a 45 ans à cette époque, l’air de rien mais quand il s’accroche (133-134). Thérèse s’amuse de ce portrait. « C’est lui craché ». La maréchalerie de Gourgeon périclite (135). On leur a prêté la cabane à lapins. Le premier enfant est né. Les dames de Sion leur apportent des paniers. Le pasteur arrive juste avant la naissance (136). Tous les deux jouent la bonne volonté sans tomber au dernier degré de la misère (137). Elle joue parfaitement son rôle (138). Ensuite, elle se fait désirer. On leur promet beaucoup, ils n’en croient pas un mot et ne comptent que sur eux. (139). Ils campent la Sainte Vierge et le forgeron de paix. Il faut maintenant que la mère méritante se mette en quête d’un travail (140). Il jouera les maris attentionnés et les pères soucieux de la santé de son fils. Châtillon, ce n’est pas un village nègre, c’est un petit bourg paisible avec du soleil et du bon air pour les rentiers (141). Un cul-de-sac avec une route qui va à Lus en passant par Clostre (à 1.500 m au-dessus) et le col de Grimone. Rien ne se passe à Châtillon (143) où l’on vit en famille.

Les Numance (144- 153)
Parmi ces rentiers, il y en a un qui nous intéresse, « un mystérieux mécène », un homme de haute taille avec des yeux bleus. Cet « énigmatique libéral » a une femme (144) aux yeux bleus et qui est « la bonté sur terre » et que tout le monde envie. « On la voulait toute » (145) « Ah ! mais j’ai oublié de vous dire comment elle s’appelait. C’était madame Numance. Nous voilà en pays connu. L’énigmatique libéral, c’était monsieur Numance ». Toutes les femmes à Châtillon l’imitent et s’habillent en amazone. Les Numance avaient une filature de soie à Carpentras. La mère de Mme Numance suit un ambassadeur. Il la rencontre à l’occasion d’une inondation. Bernard et Sylvie se marient (146). A la mort de ses parents, M. Numance prend la direction de la filature. Ils s’enrichissent et elle donne. En 1851, il risque la déportation à cause d’un complot d’une vingtaine de personnes. Cette peur de se perdre les rapproche. Quelques petits actes d’héroïsme en 1870. Après la guerre, elle recommence à être généreuse (148) ; « Pour son mari […] elle est le Dieu qui fait pleuvoir. Il se vendrait à un marchand d’esclaves pour remplir la corbeille qu’elle vide ». A force de donner, ils se retrouvent ruinés (149). A Carpentras, tout le monde se retourne contre eux. Tout est liquidé, la filature passe sous un autre patron. Mais Mme Numance prend un billet de loterie des enfants tuberculeux et elle gagne 100.000 F. Ils ne brûlent pas le billet comme d’habitude. (150). Ils viennent se fixer à Châtillon : il a 70 ans, elle 65 et font le bien modestement. Thérèse qui a été femme de ménage, vient sonner à leur porte. Firmin a bien joué sa comédie. (151). Ils s’attendent à un combat, on les accueille comme le Messie : « Pendant que les Firmin combinaient d’un côté, les Numance combinaient de l’autre. Côté loups, côtés agneaux, c’était un : « Embrassons-nous Folleville ! » Il y avait même chez les Numance une férocité à laquelle Firmin était loin de s’attendre ». Firmin s’aperçoit qu’il va devoir jouer serrer. Il ne sait pas quoi penser de leur proposition de loger dans le petit pavillon de leur jardin.

L’amour de Madame Numance pour Thérèse (153-220)
Thérèse s’abandonne déjà à l’amour sans le savoir. (153) Firmin veut que le don du pavillon soit officialisé devant un notaire, il exige aussi la terre autour ainsi qu’un accès. Thérèse fait des reproches à son mari d’autant que Mme Numance veut être la marraine de leur enfant (154). Firmin cède sur le passage mais persiste pour le reste. Thérèse ne veut plus s’éloigner de son idole. Même son enfant ne compte plus. Elle entre le matin avec le passe de chez les Numance dans un mouchoir parfumé à la violette et boit son café avec Mme Numance. Son mari lui demande sans arrêt si tout va bien. (156). Firmin s’installe au pavillon. Il fait semblant de repousser l’acte notarié (157) avant de l’accepter. Mme Numance l’assure que Thérèse pourra s’occuper de son enfant. Firmin reste encore chez Gourgeon et s’occupe de la propriété (158). Baptême du petit Charles. Firmin est frustré car il n’a pas eu sa cérémonie (159). M. Numance lui donne trois cigares qu’il va montrer (160). Il ne comprend pas très bien ce que les Numance veulent et ça le met mal à l’aise, il surveille même Thérèse. Il soupçonne qu’elle fricote avec M. Numance. C’est le premier soir qu’ils se battent dans le pavillon. (161) Thérèse lui donne un coup de pied dans le ventre et il l’assomme. Le lendemain, elle garde le lit. « Si vous êtes là, je n’ai besoin de rien d’autre, ça me suffit » avoue Thérèse. Mme Numance vient à son chevet et se laisse aller à son tour : « Oui ma fille, oui ma fille » et puis elle prend sa main (162) « Le Seigneur n’a pas voulu que j’aie des enfants de ma chair mais en voici un de mon cœur » et l’embrasse « Oui, tu es ma fille ». En la serrant, Thérèse sent ses blessures. Mme Numance les découvre. Thérèse raconte la bataille sans en donner les vrais motifs et en trouvant des excuses à son mari. Mme Numance est indignée (163). Dans ces premiers moments de la passion, tout est prétexte au bonheur. Exaltation de Mme Numance : « Si jamais il te manque, je ne le manquerai pas, je le préviens. Je suis capable de tout pour défendre ce que j’aime ». (164). Firmin entre, Mme Numance se retire. Il dit qu’il était jaloux. Le lendemain, Mme Numance fait appeler Firmin pour lui parler de son travail. Il rêve de prendre une forge mais elle lui propose de travailler dans leur propriété et demande si Thérèse a encore ses parents car ils veulent l’adopter (166). Firmin ne veut pas être payé pour rien, il sera leur jardinier et leur homme de peine. Firmin s’achète des guêtres et une sorte d’uniforme (167). Il craint que Thérèse ne change de camp. Il est sûr de les tenir (168). Mme Numance est jalouse de Firmin ; elle se persuade qu’elle ne l’a jamais aimé (169). Le parfum de violette et Mme Numance devant sa glace puis au pavillon. (170) Pour mieux voir le pavillon de chez elle, elle coup des branches ; elle change même l’orientation de son lit. Une nuit, la lumière ne s’éteint pas. Mme Numance se précipite : le petit Charles est malade. (171) Commentaire du Contre : « les personnes d’esprit sont les plus opiniâtres dans les passions ». Une passion qui la pousse à donner sans mesure. Parce qu’ils donnent trop, les gens se sentent quitte de soulager leurs bienfaiteurs (172). Ils ont trouvé l’amour en la personne de Thérèse (173). Mme Numance a senti l’admiration que Thérèse lui portait : « Il n’y a qu’un seul traquenard dans lequel elle peut se précipiter. C’est celui-là ». Elle aurait pu avoir une fille de l’âge de Thérèse. A propos de Thérèse : « on la voudrait toute ». (174) Pour la première fois Mme Numance donne à quelqu’un qui l’aime et à quelqu’un qu’elle aime. (175) Mme Numance a conscience de son âge (176) Elle va avec Thérèse chercher des fruits et des légumes dans des fermes de la vallée. (177). Mme Numance marche devant elle et Thérèse boude. Mme Numance ne comprend pas. (178-179) Son mari la rassure. Ils en viennent de parler du pavillon : une occasion de donner sans mesure (180). « Vivre pour lui c’était donner parce que pour sa femme, donner c’était vivre ». C’est lui qui pense au pavillon. Il lui en parle alors qu’elle est en train de dépoter des oignons de tulipe. « Suis-je encore aimable ? » demande Mme Numance. (181) Il croit d’abord à un rival puis la rassure. « Il s’agit de Thérèse ». « Thérèse t’aime. C’est visible » dit le mari. « Oui, mais m’aimera-t-elle toujours ? ». « Toujours c’est un gros mot… ». « Jusqu’à ce que (182) je meure tout au moins ». Bonheur de Mme Numance après le don du pavillon et de la terre. « Elle faisait le bonheur de ce qu’elle aimait ». Elle en fait chaque jour un peu plus pour eux. (183) Elle se sent 40 ans de moins. (184). Elle est heureuse de tenir ce bonheur de son mari. Elle veut maintenant l’habiller mais l’amazone ne peut « habiller la petite Thérèse dodue, si gentiment pataude ». (185) Devant l’insistance de Thérèse, elle cède. Elles vont chez la couturière. Un jour, le pasteur reproche à Mme Numance de ne pas venir au temple (186) et lui demande s’il est bien opportun de faire la fortune de Thérèse et Firmin (le manchon) (187). Mme Numance qui se soucie peu de l’opinion publique veut protéger Thérèse. (188) « Il ne restait que Châtillon à mettre au pli. C’était fait. Elle ne pouvait pas empêcher de parler… Elle ne s’en souciait pas. Il s’agissait seulement de les empêcher de faire du MAL ». La robe grise simple (189). Elle l’envoie aux commissions en équipage. « Voilà, dit madame Numance à Thérèse. Maintenant, si je souffre ce sera de toi. » (190). Quand Mme Numance lui demande si elle est sa mère, Thérèse répond oui. On la reçoit partout (191). Elle essaie d’imiter Mme Numance. Pendant les derniers temps de sa grossesse, Firmin lui dit de sortir pour apitoyer les gens. Il la fait asseoir à l’abri d’un talus (192). Tout Châtillon défile. (193) Chaque jour, Thérèse guette celle qu’elle aurait voulu être (194). Mme Numance part en promenade et Thérèse ne peut la suivre. Thérèse attend devant sa cabane à lapins (195) et discute avec des commères. On ne peut plus songer au chef de bande. Tout ce que celle-là fait. (196) Elle fait le ménage chez un percepteur en retraite. Elle voit Mme Numance chez l’épicier où elle est allée faire une course pour le percepteur. Firmin voudrait la pousser vers cet homme (197). Thérèse cache son argent pour aller chez Mme Numance même si elle lui donne moins. Thérèse revient jalouse lors de la première visite aux Numance. Elle a peu de travail à faire chez eux et l’odeur est agréable (198).Les habitudes des Numance qui se lèvent tôt, les lieux : ils font chambre à part. Elle use de ruse pour être autorisée à monter le café ; elle ignore qu’elle commence à compter (199). Thérèse parfume à la violette le passe. Firmin se méfie de l’offre du pavillon ; Thérèse elle-même est embarrassée, elle aurait bien voulu tenir à l’écart Firmin. Dans le pavillon, elle songe aux gravures de « La Veillée des Chaumières ». Elle ne veut pas que Firmin la dérange avec ses projets : « Contente-toi de ce que nous t’avons donné » lui dit-elle. Elle veut acheter du parfum de Chypre (3 écus le flacon) (200) mais le droguiste lui dit que Mme Numance l’a abandonné pour la violette. Un jour, Thérèse propose à Mme Numance l’argent qu’elle a caché (201). Celle-ci pleure de joie. La période où l’on a besoin de voir tout le temps celui que l’on aime. (202).

Baptistin, un maître de poste, surnommé « Le Mignon », gros, laid et ridicule (203) coince Thérèse dans une encoignure de porte et lui fait des avances. Elle le repousse mais Thérèse est choquée : il n’aurait jamais fait ça avec Mme Numance. Elle déchante mais admire encore plus Mme Numance. Elle se met à l’aimer follement (204). C’est à ce moment-là que Firmin lui demande avec grossièreté si elle ne fricote pas avec M. Numance. Elle lui donne un coup de pied dans le ventre et reçoit des mornifles en retour. Mme Numance vient voir Thérèse. (205) [voir p. 162.] Thérèse lui dit qu’elle a besoin d’elle. Elle entend prononcer le mot de « fille ». Ce mot la ranime. Pendant la nuit, Thérèse commence à faire des comptes : « Elle était allée trop bas dans les encoignures de portes, elle en avait été trop complètement (206) sauvée par une générosité miraculeuse pour garder le moindre sentiment d’humanité ». Il lui faut des preuves de sa victoire. Elle qui était toujours si froide, devient émue (207). Les jours suivants, un enchantement continuel. Elles ne voient même pas la bourrasque. « La vie que Thérèse avait maintenant était maintenant bien au-delà de celle qu’elle avait rêvée dans ses moments de plus grande folie » (208). Mme Numance pense qu’elle demande plus qu’elle n’a jamais donné (209). Elle se promet de surveiller sa démesure. Mme Numance fait des promenades solitaires pour faire le point. Thérèse se croit abandonnée. Firmin lui demande de porter des peaux de martres chez les Carluque pour les offrir à Mme Numance (210). Mme Carluque a du monde chez elle, la femme du notaire et celle du pharmacien, elle accueille Thérèse avec curiosité (211). En sortant, elle entend le pas de Mme Numance. Elle lui demande d’où elle vient. « Je suis capable d’être méchante », (211) se dit Mme Numance en écoutant ses premiers sentiments. De retour chez elle, Mme Numance lui explique pourquoi elle part seule. Elle lui dit de ne pas se cacher si elle veut être mieux payée chez les Carluque « La seule chose qu’il faut considérer : c’est : est-ce que cette femme sera pour toi aussi tendre que moi ? » (212). Après coup, Thérèse a peur. Elle tremble. Elles se réconcilient. Elle lui parle d’adoption, de lui léguer leurs biens à leur mort. « Elle était ivre d’imprudence ». (213) Thérèse demande à Firmin pourquoi il ne lui a pas dit qu’ils voulaient l’adopter. « Parce que c’était un cataplasme sur une jambe de bois ».

Firmin parle des peaux de martres et de l’émotion de Thérèse à Mme Numance. Firmin content de ne pas se laisser dominer. Mme Numance a réglé la question du pasteur (214). Elle s’aperçoit qu’il est doux de défendre ce qu’on aime et très enivrant de l’imposer. Pour Thérèse, le pasteur ne compte pas. Elle compare les toilettes des femmes à la sortie du temple. (215). Mais elle ne comprend pas la malice du dépouillement de la robe grise qui met en valeur sa beauté d’après Mme Numance (216). Celle-ci n’est plus jalouse car elle sait que Thérèse reviendra toujours vers elle. Thérèse croit qu’elle la met à l’épreuve (217). Mme Numance aime s’adresser à Thérèse sur le ton de la tendresse maternelle devant les gens. Thérèse n’est pas de taille à résister (219). Elle ne sait plus quoi faire pour rendre Mme Numance heureuse. Le poissonnier de Die (219). Mme Numance veut mettre la main dans les paniers : « Non, pas vous maman ». C’est la première fois qu’elle l’appelle ainsi. Une heure après M. Numance trouve sa femme qui pleure. Elle déclare qu’elle est la plus heureuse des femmes.

Les manigances de Firmin (220- 272)
Un soir de mai, Firmin rentre au pavillon très joyeux (220). Il demande à Thérèse si elle sait combien il y a d’argent chez les Numance. Il ne va pas contenter de 2 F par jour et du pavillon. L’après-midi, les deux femmes s’installent sous les pommiers ; elle prépare un trousseau à Thérèse. Firmin vient les voir et leur dit qu’il va à Lus (221). Firmin rentre par le courrier du surlendemain, l’air préoccupé. Il veut lui parler (222). Le récit de Firmin : ses parents morts quand il avait 14 ans. Il s’est engagé pour servir les maçons à Grenoble. A 16ans et demi, il lui est arrivé une histoire. Tous les samedis, Grenette le comptable l’emmène avec lui pour aller chercher la paye (223). Un samedi, un copain l’entraîne rue Gallifet dans un endroit où l’on joue de l’argent. Il gagne 1.200 F. La police arrive chez lui (224) et trouve l’argent. Chez le commissaire, le comptable et le chef d’entreprise lui demande où il a mis le sac d’or de la paye (225). Il est accusé de vol et passe deux jours en prison. Puis un agent l’accompagne chez le chef d’entreprise (226). Il lui parle de maison de correction puis lui fait signer un papier qu’il ne lit pas : une reconnaissance de dettes (50.000 F) (227) à régler d’ici 4 ans et demi. Il y a huit jours, Firmin il a reçu un papier de Reveillard l’invitant à régler ses dettes. Reveillard usurier à Lus (228). Firmin est allé le voir : il réclame les 50.000F. Thérèse est comme morte (229). Mais Firmin ajoute : « Je viens de te faire une blague. Ce n’est pas vrai ». Il était jaloux de Mme Numance depuis que celle-ci dit qu’elle est sa fille. Il voulait vérifier si elle l’aiderait. Thérèse se met en colère. Il brûle la lettre.

« C’est le moment de commencer la mienne d’histoire, se dit Firmin. « La vérité est bien différente ». Il va lui dire pourquoi il est allé à Lus. Il ne veut pas prendre les rentes de Mme Numance (230). « Maman t’aidera » dit Thérèse. Il va encore deux ou trois fois à Lus. Il a moins honte de dépasser des sous maintenant qu’il va en gagner. Une ou deux semaines plus tard, Firmin évoque cette histoire qui a fait peur à Thérèse devant Mme Numance (231). Firmin voudrait un conseil : il envisage de se porter acquéreur d’une des coupes de bois pour faire des bénéfices (233). Mme Numance dit qu’elle n’entend rien aux affaires et qu’elle en parlera à son mari. Après son départ, elle reste rêveuse. Thérèse lui trouve l’air triste. Firmin prend l’habitude de partir chaque jour dans les forêts. Il rentre ragaillardi en chantonnant. (233). Quand il fait mauvais, il descend jusqu’aux scieries. Il fréquente les charpentiers et les menuisiers ou le marchand de bois. Fin novembre, il apporte 1.000 F à Thérèse. Il a obtenu cet argent en revendant une coupe (234). C’est Reveillard qui lui a prêté l’argent. Il dit à Thérèse d’acheter une suspension, un tapis de table, des édredons, une descente de lit et un portemanteau. Avant de commencer ses achats, Thérèse achète un flacon de Chypre et en fait cadeau à Mme Numance (235). Elle le met sous cloche avec quelques souvenirs (236). Tout au long de l’hiver, Thérèse profite de ses acquisitions. Firmin commence à prendre soin de lui. Il rapporte encore 500F mais place les sous dans un tiroir, au bas de l’armoire (237). Pendant 4 ou 5 mois qu’il ne parle plus de louis. « Dès qu’on sera au beau temps je ferai un coup de maître. Il va y avoir de la bagarre ». Il est très actif pendant tout l’été, part de bonne heure, rentre à la nuit, harassé. Des forestiers viennent le voir au pavillon ; un jour, c’est le capitaine des gardes. Au commencement de l’automne, Firmin est sûr de son coup (238). A la Toussaint, le temps est encore très beau. Firmin s’inquiète du baromètre et de la météo (239). Quand il se met à pleuvoir, il semble rassuré. Il attend encore deux jours (240) et sort avec sa pèlerine. Il revient vers midi et repart. Thérèse passe l’après-midi avec Mme Numance. Firmin rentre à 9h sans pèlerine ni casquette, trempé (241). Il ne répond pas aux questions de Thérèse : « En fait de changement j’ai mon compte ; et ne t’en fais pas pour la mort. C’est peut-être ce qu’il y a de mieux »… « J’ai tout perdu »… Nous n’avons plus le sou ». Il n’est pas content de la façon dont Thérèse prend la chose. Le lendemain, il ne donne toujours pas d’explication. Quand elle rentre, elle le voit en train de dépendre la suspension (242). Le petit sac dans le tiroir va passer dans d’autres poches ; il va rapporter les édredons. Thérèse pleure. Il explique enfin : Firmin a acheté trois coupes en soudoyant les forestiers mais ils se sont fournis ailleurs (243). Il ne sait plus comment rendre l’argent. Il espérait que la pluie empêcherait les charrois mais ils ont pu se fournir du côté de Beaurières.

Thérèse veut aller en parler aux Numance. Il la dissuade (244). Après le départ de Firmin, Thérèse va voir Mme Numance. Quand Firmin revient, la situation est encore pire : « Ca va MAL, ça va même tellement MAL que tu peux reprendre ta suspension et tes édredons. Ils n’en veulent pas. C’est une goutte dans la mer ». Il passe le reste de la journée à raboter des planches (245). Firmin est prêt à partir dans la nuit « C’est tout ce qui nous reste à faire si je ne veux pas mourir en prison ». Thérèse crie et s’évanouit. Quand elle revient à elle, Thérèse voit le harnachement devant la cheminée (246). Firmin qui a perdu 50.000 F veut partir à 4h du matin (247). Il sort un couteau de sa poche. Elle court vers la porte. Un temps empêchée par son mari, elle sort et se précipite chez Mme Numance. Celle-ci veut tout de suite vérifier s’il l’a battue et lui demande combien il veut. Thérèse raconte l’histoire. A 9h, Mme Numance dit à Thérèse de rentrer chez elle ; à 11h elle viendra chez eux. Elle monte voir son mari : « Est-ce qu’on y serait ? dit-il – Oui, dit-elle, nous y sommes »…. « Il a mis plus longtemps que ce que je croyais pour se décider, dit-il. Il y a bien deux bons mois que j’attendais tous les jours. – Oui, dit-elle, c’est un mauvais acteur ». Ils se demandent si Firmin a embrigadé Thérèse. « C’est dommage »…. « Je ne crois pas qu’elle en soit, dit-elle (250), mais tiens compte de mon aveuglement »…. « Combien veut-il ? – Tout. »… « Est-ce par hasard qu’il est tombé juste ? – Non. Il s’est renseigné. Et cet homme de Lus le conseille. – Tant mieux. J’avoue que plus m’aurait embarrassé. – Qu’aurions-nous fait ? – Ce que nous allons faire, mais nous aurions été en dessous. Je n’aime pas être en dessous. ». Mme Numance dit à son mari qu’elle l’admire et qu’ils sont d’accord sur tout. (251). Le papier est déjà prêt, timbré, signé et sa signature légalisée. Ils vont avoir 6 mois de répit avant que Reveillard ne les fasse exécuter. Avant 11h, Mme Numance entre au pavillon. (252). Mme Numance demande de l’encre et fait le détail du prêt (253). Firmin est surpris que tout soit déjà prêt. Encore plus quand elle lui dit qu’elle partira avec lui à Lus à 7h. Thérèse n’a pas compris ce qui se passait. Firmin ne veut pas lui répondre. Une fois seul, il découd la doublure de sa veste et en sort un papier (254) : le libellé exact de la reconnaissance à faire signer inscrit par Reveillard. Il n’aurait jamais pensé que ça irait aussi vite. « Est-ce qu’ils se rendent compte qu’on les plume ? ». il compare les deux textes. Il est effrayé que les Numance aient ainsi tout prévu (255). Cela fait exactement six mois qu’il est allé à Lus la première fois. Il remet le papier dans sa doublure (256). D’un seul coup il réalise qu’il s’est vendu en répondant oui à la question de Mme Numance « Est-ce exact que ma propriété a été estimée 50.000 F il y a six mois ? ». Il craint qu’elle n’ait déjà appelé les gendarmes. Au même moment, Mme Numance n’est pas encore couchée : « Quel bonheur de pouvoir ainsi tout donner sans être dupe ! ». Elle a remarqué la stupéfaction de Firmin devant cette victoire sans combat. « Cet homme n’est pas fort. Il a de la chance d’avoir affaire à des gens qui ne demandent pas mieux ». Elle pense à Thérèse (257). « Quel dommage que l’argent ne compte pas ! Je n’ai rien à lui sacrifier à elle ; sinon mon désir même. » Elle s’y résout. A 6h, elle est au pavillon. En traversant la forêt, Firmin a l’idée de l’étrangler et de s’enfuir mais un voisin arrive. Il y a un gendarme près de la voiture mais il est juste venu donner un pli (258). Ils reviennent par le courrier du soir. Reveillard a approuvé la reconnaissance. Firmin est encore étonné de la réaction de Mme Numance : « est-ce qu’elle ne se rendait pas compte qu’elle se ruinait ? » Reveillard même a été obligée de la retenir. De son côté, M. Numance demande à sa femme comment ça s’est passé : « Quelle arme terrible, dit madame Numance ! J’ai presque honte de m’en servir. – De quoi veux-tu (259) parler ? – Du plaisir de donner. – Ah ! c’est une arme de roi, dit monsieur Numance ». Mme Numance est contente d’elle : « Tu sais combien je peux être féroce dans cette façon de combattre »… « Ce que je peux avoir l’âme basse quand il s’agit de donner »…. « Nous en avons au moins pour six mois » dit monsieur Numance. Firmin est perdu (260) surtout quand il la voit aller et venir comme avant. Mme Numance évite les trop fréquentes rencontres avec Thérèse (261). Les promenades solitaires de Mme Numance (262). Un jour, Firmin l’observe derrière une murette et s’excuse. Chaque fois qu’elle sort, il la suit. Il imagine qu’elle demande des conseils à quelqu’un. Une autre fois, il rentre au verger et lui demande ce qu’elle fera quand Reveillard réclamera le remboursement : « On vendra le gage… et la terre où nous nous promenons » (263) Il parle même à Thérèse du « tour » que lui joue sa patronne. Il a peur d’avoir à payer et de retourner au trimard. Il lui demande d’aller avec Mme Numance pour voir ce qu’elle fait mais il n’y a rien à dire (264). A 7h du soir, Firmin part à pied pour Lus. Il lui dit de ne rien dire en la menaçant de nouveaux coups. Il revient la nuit suivante et ne veut rien dire (265). Reveillard les exécutera dans deux mois. Firmin veut savoir par Thérèse si Mme Numance ne communique pas avec quelque société secrète (266). Il jette le papier de sa doublure au feu. Il n’y a plus longtemps à attendre avec l’arrivée de l’été. Firmin surveille la route de Lus.

Un soir de juillet, Reveillard arrive. Il va coucher chez eux. (267). Au matin, Firmin part dans les bois avec Thérèse et l’enfant (268). Reveillard qui les a entendus se couche dans leur lit. Vers 8h, Mme Numance se lève. Son mari les a vus déguerpir ; « Ce doit être pour aujourd’hui ». Reveillard se prépare (269). Il a tout organisé contre les Numance (270). M. Numance « reçut l’assignation et sur sa déclaration d’incapacité de paiement, il reçut immédiatement après un acte de saisie préparé d’avance ». M. Numance a une attaque. Reveillard aide à le transporter sur le canapé. Pendant une heure, M. Numance s’efforce de dire quelque chose. Thérèse ne rentre au pavillon qu’à la nuit. A la maison, elle trouve une diaconesse en train de veiller le corps du mystérieux mécène. Mme Numance a disparu. « – Eh bien, Thérèse, qu’est-ce que vous en dites de tout ça ? Vous êtes là, vous écoutez cette histoire (271) sans piper. Est-ce que vous vous souvenez de ce que vous disiez, vous, de votre auberge, tout à l’heure ? »

Second récit de Thérèse sur la ruine des Numance (272- 332)


Elle se souvient de son auberge, de la chambre qu’on leur prête sous les combles, du printemps morte-saison et le mardi de repos où elle va se promener (272-273). Elle gagne 3F, ils sont nourris et logés et se fait des sous avec le reste des repas. Beaucoup lui en demandent. Un colporteur ne la paie pas ; il lui doit 3 sous. Son plaisir, le matin quand tout le monde dort encore, elle prend son café. D’autres bons moments dans la journée même quand c’est le coup de feu (276). Quinze voyageurs d’un coup à servir. Les différentes façons de s’habiller des voyageurs : très mal ou très bien, (276) ceux qui se soucient de la saleté et ceux qui ne s’en soucient pas comme un petit bonhomme, (277) un « roi d’Espagne ». Plaisir à observer les relations entre les gens. Les vrais et les faux culs (278-279). Les clients, benêts et pères de famille, des plus dégourdis. Elle a des émotions dans son coin de desserte. Quelquefois, ce ne sont pas des jeux d’enfants comme avec la bande des écumeurs, deux hommes et une femme, des drapiers de Nîmes, plus vrais que nature (280). Les voyageurs plus ordinaires : qui ne voyagent pas mais se déplacent. Thérèse rêve d’une machine à coudre Singer (281). Elle en parle avec des femmes, le soir, après le dîner. Une vieille femme qui pleure en lisant Jocelyn ; Thérèse s’y met aussi. (282). Un homme qui fume des cigares. Un blond chauve lui demande si elle connaît les Numance (283) et lui dit d’avertir M. Numance qu’il va à Chambéry. Un moment de repos entre cinq heures et demie et sept heures. Charlotte s’occupe de la salle de café. Thérèse connaît les clients. Le service est facile : elle ne comprend pas pourquoi Charlotte s’énerve. (284). Il faut savoir les prendre. Les conseils de Thérèse à Charlotte : « Surtout, tais-toi. Ne dis pas de MAL. Si tu les menaces, bien plus. Ils s’amusent ». (285). Le médecin a la passion des cartes et n’aime pas les étrangers (286). Chacun fait son beurre à Châtillon. Les livrets de caisse d’épargne, l’huile de foie de morue, l’odeur des tanneries, les plastrons (287). Il faut saluer et parler. Tout le monde a son parapluie. Les familles travaillent à plein régime ; il ne faut pas s’y hasarder. Les maisons ont des paratonnerres. Même les rues font prudemment le tour des maisons (288) ; elles osent à peine s’en approcher. Ou alors c’est le contraire : les familles ! (289) Mme Laurent qui vient repriser le linge de l’auberge et qui raconte les histoires des familles. « Une de nos voisines tombait du MAL de la terre ». Un jour, sa crise l’a fait tomber dans son feu. « Les péchés qu’on ne commet pas sont affreux ; ceux qu’on (290) commet : zéro, poussière. Faites tout pour sembler bonne. Quand personne ne le croit plus c’est tout au moins que pendant quelque temps on l’a cru. Si vous n’en avez pas profité, c’est que vous êtes bêtes. Dans ce cas-là, rien ne sert à rien ». Thérèse ne met jamais les gens en colère contre elle. Tant qu’à se faire haïr, autant que ce soit pour quelque chose. Les saintes familles ! Mais tout ça n’a pas été obtenu sans rien faire. « Moi j’estime : du moment qu’on est chrétien, on a le droit de tout faire. Tu seras jugée. Alors, ne te prive pas. » (291). Les commerces, les héritages. Un jour, Thérèse conseille à Artemare d’accuser son beau-frère qui réclame trop d’héritage (292). Il se prend au jeu mais n’ose pas se lancer. « Voyez-vous, moi, j’en suis arrivée à une conclusion : il faut tout faire soi-même. Les hommes ne peuvent servir que de paravent » (293). Il veut lui proposer de l’argent. L’histoire de Nicolas (294) mort chez sa maîtresse. Il faut absolument ramener le corps déjà raide chez sa femme (295). Thérèse va proposer ses services à une certaine Laroche qui n’arrive pas à soutirer les 6.000 F d’héritage d’un vieux avec lequel elle vit depuis six mois (296). Elle lui conseille d’attendrir le vieux avec sa fille. Description de Firmin (297) et de Thérèse (298). Le beau-frère d’Artemare lui a tiré dessus. Artemare parle à Thérèse. Elle fait marcher Firmin comme elle veut. Il faut lui mâcher la besogne (299) car il est bête. « Dix fois sur dix pour réussir quoi que ce soit du genre de ce que je voulais entreprendre, il faut l’extérieur d’un homme. Cervelle, c’était moi. Je me savais forte à peu près en tout » (300). « J’arrivais à me faire passer non seulement pour bête (ce qui n’est déjà pas MAL) mais pour bête et bonne, ce qui est vraiment mieux ». Elle entreprend d’abord sa patronne, une femme originaire du Queyras (301). Elle apprend à haïr avec le sourire. Longue mise au point pour s’endurcir.

Elle veut aller plus loin, s’essayer à une déclaration d’amour à quelqu’un qu’elle déteste (302). Elle ne doit pas se prendre au jeu. Il lui faut d’abord choisir un homme (303) de préférence pas à Châtillon pour ne pas l’avoir sur le dos. Il lui faut une sorte de commis-voyageur. Déclaration d’amour dans une écurie. « Après coup, je passai un peu la revue de tout ce (304) que j’avais fait et je me dis : ça n’est pas MAL, tu peux être contente ». Elle joue la comédie amoureuse. « Je fus même extraordinairement heureuse en me disant : celles qui font l’amour avec de l’amour sont bien bêtes. Elles risquent gros et elles n’ont même pas la moitié du plaisir que tu as ». Elle continue avec duperie et mépris (305). Puis, elle passe à autre chose, imite la jalousie de Firmin, et vend ses rogatons, fière de son pouvoir sur les gens. « Pour m’éprouver, je me dis même : est-ce que tu serais capable de tuer dans ce cas-là ? Je n’eus pas besoin de réfléchir longtemps : j’en étais capable. Mais, qui pouvait me gêner ? De toute façon une chose certaine : c’est que, dans n’importe quoi il m’était facile de tromper tout le monde. Là comme ailleurs » (306). Elle décide de se prémunir contre la tentation de l’orgueil quand sa patronne lui dit qu’elle a l’air d’une princesse. « Enfin, je devins parfaite. On était absolument obligé de me prendre pour ce que je n’étais pas ». Elle n’attend plus que la grande occasion. « Tromper l’amour, d’un seul coup je trompais tout ». Elle ne veut pas se faire tripoter alors elle choisit l’amour maternel (307). Elle a l’air d’un enfant. Reste à savoir si Firmin est prêt à lui obéir. L’affaire de l’incendie des Ferrières : Thérèse fait accuser des évadés (308) à la grande surprise du responsable, un dénommé Parois. Elle savoure son emprise sur Firmin. Elle le pousse à se mettre en colère pour qu’il ait l’air de quelque chose. « Chaque fois que je voyais un progrès, je lui donnais un très bon sucre ». Un soir, une colère vraiment crédible (309). Le dimanche avec Firmin, conversation au bistrot avec des femmes et des hommes, elle continue sa comédie. Les maris sont très naïfs (310). Dans le bistrot des tanneurs, elle compose l’image qu’elle veut donner de leur famille : c’est lui qui a l’air méchant alors qu’il est bien dressé (311). « Il me considéra de plus en plus comme le dieu qui fait pleuvoir ». Il se laisse façonner. Charlotte voudrait partir : « Pour aller où ? » lui dit Charlotte (312). Thérèse sûre de son pouvoir sur les gens de Châtillon sans qu’ils s’en doutent (313). « Ils n’avaient qu’une chance : c’est qu’ils ne possédaient rien qui me fasse envie ». Elle attend un gros coup et commence à s’impatienter ; « la gourmandise, l’argent ; les femmes, (314) l’argent ; la méchanceté, l’argent. Voilà tout ce que je trouvais. En fait de gibier, c’était plutôt piètre ». « Je passai plusieurs nuits à y réfléchir. Je compris deux choses : la première, c’est qu’il y avait dans tous les cas de l’argent à ramasser à la pelle. La seconde, c’est que je me foutais de l’argent ». L’argent ne représente aucun bonheur pour elle. « Alors, qu’est-ce qui te tient ? » Tout de suite, je me répondais : « Rien ». Ca n’arrangeait pas les choses » (315) « Je n’étais même pas méchante ».

Heureuse comme un furet dans un clapier. « J’étais heureuse d’être un piège, d’avoir des dents capables de saigner ; et d’entendre couiner les lapins sans méfiance autour de moi ». Elle réfléchit (316).Le furet « boit le sang. Si je trouvais quelque part du sang à boire, ça vaudrait la peine de me glisser dans le terrier. Je me dis : tu as trouvé. Maintenant, dors ». Le lendemain, elle récupère les trois sous du colporteur en menaçant de le dénoncer au pasteur. L’après-midi, elle jette la boîte où elle met son argent dans un trou du torrent (317). « Je me dis : « Le monde est quand même bien fait. Les gens que tu vises ne tiennent à rien, sauf à aimer ; et ils te tombent dans les pattes. L’amour, c’est tout inquiétude. C’est du sang le plus pur qui se refait constamment. Tu vas t’en fourrer jusque là. D’abord et d’une. Ensuite, puisqu’ils donnent volontiers tout ce qu’ils ont, c’est qu’ils ont à combler. Alors, à la fin, je me montre nue et crue. Et ils voient que rien ne peut me combler. Plus on en met, plus je suis vide. C’est bien leur dire : vous n’êtes rien. Vous avez cru être quelque chose : vous êtes de la pure perte ». L’amour d’un homme (318) est trop facile, il faut passer à autre chose. Pour apitoyer, elle se fait « mettre enceinte » et « mettre à la porte de cette baraque » ; si en plus Firmin l’avait abandonnée elle aurait été « la reine du monde » (319). Elle attend cinq mois et se fait renvoyer comme elle le voulait. Déjà ronde, elle s’installe dans la rue avec ses malles. Le vent de mars charrie gros. « C’était plus de bruit que de MAL ». Juste assez de pluie pour en rajouter au tableau (320). On lui apporte tout ce qu’elle veut mais elle choisit une cabane à lapins. On lui apporte beaucoup de choses ; elle fait la malade et se couche et rajoute au tableau une dispute avec Firmin (321). Le masque magnifique de la femme enceinte qui paraît pâle. Même Firmin s’y trompe (322). Les dames de Sion veulent s’occuper d’elle. Ce n’est pas ce qu’elle veut. « Je n’étais pas encore vraiment entrée en scène. La petite fantaisie du trottoir, sous la pluie, n’était qu’une mise en route. Je me préparais à la vraie comédie. J’attendais d’avoir ma belle allure. Enfin, je l’eus ». Elle est devenue énorme. Elle décide de sortir au bras de Firmin (323). Elle s’installe près d’un peuplier. Un endroit très fréquenté. Elle s’amuse de voir les gens qui veulent se rassurer. « Moi, il y avait d’abord moi » (324). Le corps des gens : Thérèse n’hésite pas à sacrifier le sien (325).

Tous les jours, elle se fait conduire à son talus. « Je guettais une certaine personne ». « Avec celle-là, nous commencions notre combat de meilleure heure que Dieu fait ». Chacune attend le bon moment pour parler. Thérèse fait semblant d’être assoupie (326) à chaque fois qu’elle passe pour la faire « mijoter dans son jus » (327). Les réflexions de Mme Numance et les calculs de Thérèse (329). Thérèse feint de dormir : « Cela m’autorisait à (329) faire tout ce qu’on fait sans penser à MAL ».Mme Numance qui n’a pas eu d’enfant tombe dans une rêverie attendrissante. Elle voudrait qu’elle se sente aimée (330). Les pensées respectives des deux femmes. Firmin a pour consigne de la surveiller (331). Thérèse ouvre les yeux quand elle est partie « Je vous serrerai le kiki, ma belle dame, jusqu’à ce que vous tiriez une langue d’un mètre ! ». « J’étais loin de penser qu’à la fin elle m’échapperait ».

Récit de la vengeance de Thérèse par « le Contre » (332-365).


Thérèse sort comme folle de la chambre où la diaconesse veille le corps de M. Numance. Elle cherche nerveusement Mme Numance dans la maison à tel point que la diaconesse lui fait des reproches (332). Puis, elle court dans la nuit en criant et la cherche dans le jardin. Firmin qui se fait sermonner par Reveillard se venge sur Thérèse. Ils se battent (333). Elle gémit toute la nuit. Firmin n’arrive pas à soigner ses griffures. On ramène Thérèse trois jours après : elle a été retrouvée au fond d’un plateau (334). On finit par la détacher. Tout Châtillon admire cette preuve d’amour et on la console. Mais on ne pardonne pas à Firmin : « Il porte la méchanceté sur la figure », disait-on » (335). Il est accusé d’assassinat ; il est convoqué. Sans les témoignages de Reveillard et de la diaconesse, il aurait été mis au cachot. Personne ne s’est ce qui s’est passé. Firmin est rejeté par tout le monde (336). Même la buraliste montre ostensiblement son hostilité. Thérèse cherche à savoir où est passée Mme Numance. Firmin vit avec Thérèse dans la peur. Il se fait les dents sur elle (337). Elle le frappe et lui rouvre toutes ses blessures de la face. Il attend très tard dans la nuit (338) pour rentrer à la maison. Il est obligé de ressortir pour vomir. Reveillard le tient. Les scènes de violence avec Thérèse se renouvellent (339). Thérèse est redevenue la plus belle femme de Châtillon. Firmin croit à chaque fois qu’il va pouvoir reprendre le dessus (340). Quand elle frappe ses coups peuvent être mortels. Une séance règle la question de façon définitive. Thérèse va chercher le médecin. Le docteur ne peut pas faire grand-chose : « Tout ce que je peux faire c’est de vous le remettre sur pied. Comment s’y tiendra-t-il, ça c’est une autre affaire. MAL, je crois ». Firmin se remet lentement, terrifié (341). Elle s’occupe de lui avec douceur. Il finit par oublier que c’est elle qui l’a mis dans cet état. Devant des gens, il frappe Thérèse qui se laisse faire. « Les témoins de ces scènes étant eux-mêmes par nature maladroits et égoïstement sirupeux devant LE MAL de leurs proches étaient loin de soupçonner un plan préconçu. Ils trouvaient Thérèse absolument normale et ne tarissaient pas d’éloges sur elle. Elle passa pour une martyre ». Un soir d’été, Firmin parle à Thérèse du rejet dont il fait l’objet à Châtillon et parle de s’en aller (342). Elle accepte. « Nous ferions mieux d’être amis » dit-il. Elle lui répondit : « Mais, je suis très amie avec toi ».

Peu de temps après, ils quittent Châtillon pour Clostre où ils ont acheté l’auberge. « Clostre, inutile de vous dire ce que c’est, vous le savez » : le bonhomme qui gare le chasse-neige et tient un bistrot (343), sa femme, le forestier qui joue du cornet à pistons et le curé avec son livre ; l’église, l’auberge et la montagne, une fontaine et un chêne (344) : de là à y faire une auberge ! A l’époque, l’auberge est seule à côté de l’église. « Comment Thérèse et Firmin en étaient-ils venus à choisir cet endroit-là ? Je vais vous en parler ». Firmin est obligé de porter une ceinture de cuir large qu’il ne peut quitter sans risquer l’éventration. « En devenant impotent, il était devenu dominateur ». Il est sûr de reprendre le dessus à Clostre. C’est pourtant elle qui parle de Clostre ; elle fait semblant de se soumettre. Ils partent à Clostre au gros de l’été. La tannée de Thérèse a dû lui disloquer quelque chose dans l’épine dorsale ; la peau de son ventre a éclaté à plusieurs endroits (347). Firmin réfléchit à ce qui pourrait passer pour de la légitime défense. Bien que protestante, Thérèse demande à être entendue en confession par le curé. Elle suggère à Firmin de faire de même (348). Il joue les martyrs et fréquente le joueur de piston et le type du chasse-neige. Un jour, il propose à Thérèse d’aller chercher des champignons ; elle a pris une serpe. Il a peur.

« Thérèse était une âme forte. Elle ne tirait pas sa force de sa vertu : la raison ne lui servait de rien ; (349) elle ne savait pas ce que c’était ; clairvoyante, elle l’était, mais pour le rêve ; pas pour la réalité. Ce qui faisait la force de son âme c’est qu’elle avait, une fois pour toutes, trouvé une marche à suivre. Séduite par une passion, elle avait fait des plans si larges qu’ils occupaient tout l’espace de la réalité ; elle pouvait se tenir dans ces plans quelle que soit la passion commandante ; et même sans passion du tout. La vérité ne comptait pas. Rien ne comptait que d’être la plus forte et de jouir de la libre pratique de la souveraineté. Etre terre à terre était pour elle une aventure plus riche que l’aventure céleste pour d‘autres. Elle se satisfaisait d’illusions comme un héros. Il n’y avait pas de défaite possible. C’est pourquoi elle avait le teint clair, les traits reposés, la chair glaciale mais joyeuse, le sommeil profond. »

Deux fois par jour, le courrier de Châtillon à Lus s’arrête à l’auberge. Le postillon est de fameux type maigre qui passe pour muet. Une nuit que Firmin veut entrer dans la chambre de Thérèse, il trouve la porte barricadée (350). Il la laisse s’occuper du muet. Firmin médite une vengeance mais Thérèse installe devant l’âtre une longue table (351). Ils prennent désormais leur repas à 2m l’un de l’autre. Elle l’a bien deviné. Quand elle fait la vaisselle, elle s’entoure de bassines et garde à côté d’elle le pilon de pierre du mortier à ail. Elle aussi le guette. Au printemps, elle s’aperçoit qu’elle est (352) grosse. Firmin l’insulte. « A qui feras-tu croire que tu ne couches pas avec moi ? » dit Thérèse à Firmin. Elle ajoute qu’elle se plaint de lui au curé. Firmin souffre à cause du muet. Une nuit, il entend un hennissement (353)… et trouve le muet assis dans la chambre de Thérèse. L’enfant naît en juillet. Le baptême a lieu huit jours plus tard. Le muet est le parrain (354). Nouvelle naissance quinze ou seize mois plus tard. Les deux chevaux sont là si souvent qu’un des arbres est mort à force d’être rongé. « J’ai d’abord cru que ce deuxième enfant de Clostre était un signe de relâchement chez Thérèse ». Le muet est bien fait de sa personne (355). L’été, Thérèse va au-devant de la voiture avec ses trois enfants. « Qu’est-ce qu’il y aurait eu d’extraordinaire qu’au milieu de tous ces rires, Thérèse se soit amollie ? N’importe qui aurait pris goût. Elle non : vous verrez plus tard ». Firmin encaisse (356). « J’ai eu peur qu’elle en veuille à ma peau. Pas du tout. C’était simplement une salope. J’ai été bien bête ». Il baisse la garde. C’est ce qu’elle veut.

C’est à cette époque qu’on commence à parler du village nègre et du fameux monsieur Rampal. L’homme du chasse-neige y va voir (357). Quand il en en parle à Thérèse, elle fait semblant de s’intéresser à sa musique. Un matin, elle va à confesse. Le curé commence à parler de sauver les âmes des ouvriers du village nègre. Elle fait venir les deux hommes à l’auberge (358). Le samedi suivant, Firmin s’en va. Quand il revient, il a changé. Thérèse le laisse se donner de l’importance (359). Il croit à son triomphe. Il se montre magnanime devant sa détresse. Il lui raconte son projet : il y a de l’argent à ramasser à la pelle au village nègre. Trois mois après, ils s’installent (361) comme tenanciers à la cantine du village nègre. Description de la cantine du village. Discussion avec Rampal (361). Thérèse commence à séduire Rampal. L’orchestrion (362). Rampal propose à Thérèse de danser. Le muet devient jaloux. Elle met les choses au point : il l’a eue mille fois plus que personne. Pour le rassurer, ils vont dans les bois (363). Elle invente sur-le-champ une sorte d’amour sur mesure. Toutefois, il ne lui a pas échappé que le muet était à deux doigts de la battre. Chaque fois que Thérèse passe dans la petite salle de billard, Rampal lui demande si elle n’a besoin de rien (364). Pour lui répondre, elle va chez lui. « Voilà une bonne chose de faite. Je tiens également celui-là ». Elle pose ses conditions à Rampal : il doit continuer à la vouvoyer et ne pas venir à la cantine à certaines heures. « Maintenant, se dit-elle, mettons vite tout ça en train. Je ne pourrai pas constamment danser sur la corde raide. Et puis, finissons-en ». Firmin lui dit qu’il est heureux « Parfait ! C’est exactement maintenant qu’il faut le tuer…. Il faut qu’il se voie mourir ».

Récit de la mort de Firmin par Thérèse (365-370).


« Maintenant, Thérèse, je te laisse finir l’histoire. Tu dois connaître l’histoire. » (365) « Certes. Et c’est facile ». Firmin est tombé dans les déblais. La lanterne était éteinte. Il est ramené sur un brancard (366). Thérèse va voir Firmin dans sa chambre. A minuit, Rampal vient la voir. Il s’inquiète de la situation. Il a peur qu’on l’accuse. Il s’est arrangé avec le médecin pour que ça passe pour un accident du travail. Elle aura même une pension. Thérèse le laisse s’inquiéter (368). Thérèse veille sur Firmin avec les deux bonnes. L’avant-veille, elle a prêté la pèlerine d’un ouvrier au muet. Il rapporte le manteau (369). Elle remonte dans la chambre (369). « Je n’aurais pas voulu manquer la mort de Firmin pour tout l’or du monde ». Il meurt vers midi.

Epilogue (370).


Le jour se lève. Il neige pour le jour de l’enterrement. Thérèse est fraîche come une rose.
Manosque, 27 avril 1949.


RSS 2.0 [?]

Espace privé

Site réalisé avec SPIP
Squelettes GPL Lebanon 1.9